Amadeus ouvrit la porte de sa maison lorsque la grande horloge de Port Brillant annonça six heures. Le dernier coup de cloche accompagnait toujours sa sortie. Les rues encore désertes baignaient dans la lueur des réverbères persistants. Vêtu chaudement, le vieil homme empoigna une pile de parchemins sous son bras et se dirigea vers son carrosse.
Il avait eu le temps de prendre son bol de lait chaud, méditer, nourrir ses chats et dévorer une vingtaine de pages de sa dernière lecture. En ce moment, un livre de botanique l'absorbait. Amadeus n'était manifestement pas un jardinier aguerri, cela se voyait à l'état de son jardin. Ces lectures lui permettaient cependant d'avoir une vie « normale » et avoir des conversations avec des personnes de son quotidien, dont son cocher, sa voisine ou son antiquaire préféré.
Des grincements électriques l'interrompirent soudainement. Une brèche déchira bientôt l'espace au milieu de la rue encore déserte. Ryū émergea à sa grande surprise de cette ouverture. Sa sortie semblait cette fois-ci plus contrôlée.
— Ryū, risqua Amadeus.
Ses yeux plissés tentaient d'identifier la silhouette qui se précisait de plus en plus.
— Bonjour, Professeur. Toujours fidèle à vos habitudes ? sourit le jeune homme.
— Oui ! Toujours.
Un sourire silencieux se dessina sur les lèvres du professeur quand il confia d'un air soulagé :
— Je suis heureux de te retrouver sain et sauf.
Le professeur rehaussa sa pile de parchemins et fit quelques pas vers son interlocuteur. Le changement physique du jeune Onfroy le saisit immédiatement d'étonnement. Il possédait plus de prestance. Il dégageait une aura impressionnante.
— Je suis là pour rencontrer l'Oracle, expliqua Ryū.
Amadeus semblait animé d'une seconde vie. Il invita Ryū à bord du carrosse prêt à partir. Le cocher enclencha la manœuvre dès qu'ils embarquèrent. Le trajet assez long se déroula en silence. Ryū gardait les yeux fermés et les bars croisés.
Les chevaux s'immobilisèrent enfin devant un vieux temple, délabré, et perdu au milieu des faubourgs. Ils franchirent l'entrée sans tarder. Une odeur âcre flottait dans l'air de cet intérieur assez sombre. Amadeus conduisit Ryū jusqu'à une porte close. Le jeune homme hésita puis il la poussa. Elle s'ouvrit dans un grincement prolongé.
À l'intérieur, un groupe d'hommes entièrement vêtus de noir entouraient un homme d'un certain âge. Ryū eut juste le temps de remarquer un tatouage sur le bras d'un d'eux. Il représentait la lettre X entourée par un serpent. L'homme du milieu, visiblement le chef, l'invita d'un signe de la main.
— Qui êtes-vous ? demanda Ryū méfiant.
— Je suis juste l'une de ces nombreuses personnes qui œuvrent pour rendre ce monde meilleur, expliqua-t-il sans grande conviction.
— Pourquoi vouliez-vous voir Ofelia ? répliqua le prince dont le sentiment n'avait pas changé.
— Isleen, expliqua l'Oracle, c'est un honneur que vous soyez là. Nous avons besoin de vous. Yucca, la grande prêtresse d'Anisville, a élaboré il y a de cela plusieurs années l'unique carte qui conduit au Temple des Merveilles. Il nous la faut.
— Vous devez certainement vous douter de ma réponse ? répondit Ryū d'un ton détaché.
Il avait accompagné sa phrase d'un haussement de sourcils.
— Il est vrai que nous avions déjà envisagé cette possibilité. Isleen, vous ne semblez pas comprendre la situation. Cette carte n'est que la première étape. La Fandragore représente un bien beaucoup plus précieux. J'y ai juste mis la forme. Vous n'avez pas le choix.
— Voyez-vous cela !
Un sourire insouciant se dessina sur les lèvres de Ryū avant de continuer :
— Je vous remercie d'avoir mis la forme, vociféra Ryū. Si jamais vous vous approchez d'elle, je vous arracherai le cœur avec mes mains. J'espère y avoir mis la forme.
Il s'était tellement approché de l'Oracle qu'il sentait son souffle chaud sur son visage. Ryū fit demi-tour et sortit. Il s'arrêta à la hauteur d'Amadeus, mais il n'eut pas la force de le fixer. Il s'en alla en fulminant de colère.
— Onfroy ! lança Amadeus d'une voix essoufflée.
Il tentait de le rattraper.
— Comment avez-vous osé m'emmener voir ce chien ? s'écria Ryū. Arrêtez de me fixer ainsi, poursuivit-il devant le regard offusqué d'Amadeus. Ah ! Mon langage vous choque ! Vous choque-t-il plus que le comportement de cet individu ?
— Ryū, je t'en prie, calme-toi. Je n'aurai jamais imaginé qu'il allait te demander une chose pareille. Je pensais que nous étions dans le même camp, se justifia Amadeus.
— Professeur, prévint Ryū, j'ai beaucoup d'estime pour vous. Je sais que vous voulez nous aider, mais ne laissez pas le doute s'immiscer dans mon jugement à votre égard.
— Doute de tout, sauf de ma loyauté. Où comptes-tu aller à présent ?
— Retrouvez Ofelia. Ne me raccompagnez pas. Je saurai rentrer.
Ryū s'éloigna d'Amadeus et s'en alla en courant. Le professeur préféra ne pas le suivre. Il regagna son carrosse. Il se sentait dévasté par la culpabilité. Il ordonna au cocher de le conduire à son bureau.
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Ofelia, la Fille Fleur. Tome1: Origines.
FantasiLes six magiciennes originelles créèrent l'Ora, une arme conférant le contrôle sur la vie et promettant l'immortalité, scellant leur alliance dans le sang et provoquant l'émoi parmi les êtres. Pendant des siècles, une guerre farouche éclata pour s'e...