De son côté, Ofelia était impressionnée par la statue de Silvana. Cette divinité protectrice de Port Brillant était représentée par un loup géant avec un visage de femme. La statue réalisée en or massif ornait la devanture du temple. La bâtisse avait été construite en marbre et avec d'interminables marches.
Cela l'intrigua. Elle franchit le portail. De nombreuses personnes déposaient des offrandes au pied des divinités. La Fandragore monta les marches. Elles aboutissaient dans une salle ronde. L'atmosphère était réchauffée par de nombreuses lampes à pied. Devant l'autel, Ofelia sentait un subtil mélange de parfum d'huile, de fleurs et de fruits.
Ofelia entendit soudainement des pas derrière elle. Un homme vint s'arrêter à ses côtés. Il fit comme elle et sentit les bougies. Ofelia n'arrivait pas à expliquer cette sensation étrange. Elle se sentait vide. Toute joie l'avait abandonnée. La Fandragore de plus en plus perturbée épiait son voisin du coin de l'œil. Le Sage Aron sourit. Il ralluma les bougies éteintes à l'aide d'une main et s'en alla.
Ofelia se retourna après son départ. Elle remarqua un bout de parchemin par terre. La Fandragore s'approcha et le ramassa. Ses yeux s'écarquillèrent, tellement l'étonnement la saisit. Ryū lui avait récité ces vers plus tôt dans la matinée. La main tremblante de la Fandragore pendait dans le vide face à lui. Aron reprit la note et la rangea sous sa cape.
— Es-tu ici pour une prière ? lui demanda-t-il.
— Non, répondit Ofelia.
— On trouve pourtant le salut à travers la foi. Elle demeure également le meilleur chemin pour purifier l'âme.
— Une statue ne peut en rien sauver l'âme d'une personne.
— Changerais-tu de discours si tu étais vénérée comme l'une de ces... statues ? Que tout un monde croit en toi et fait de toi le symbole de son salut ! continua le Sage.
Le silence de la Fandragore lui arracha un sourire. Il poursuivit :
— Faisons un bout de chemin ensemble.
Ofelia le suivit vers la sortie, comme s'il l'avait hypnotisée. Elle put alors nettement distinguer le visage de son mystérieux interlocuteur à la lumière du jour. Une étrange couche d'énergie l'enveloppait. Elle était si puissante qu'elle s'en trouva affectée. Ofelia comprit comme s'il s'agissait d'une évidence qui était son interlocuteur. Le Sage lui lança un sourire lorsque leurs regards se croisèrent. Il devait lire dans ses pensées !
Ofelia fut aussitôt saisie d'une violente vision. Tout n'était que flammes et désolation autour d'elle. Une stèle se dressait au milieu du brasier. Plus la vision se rapprochait, plus elle distinguait la scène qui s'y déroulait. Le Sage Aron était muni d'un poignard et procédait à un sacrifice. Son visage en sang se délectait de la vue d'un cœur encore palpitant dans sa main. Ofelia découvrit son propre corps sans vie allongée sur la stèle...
Ofelia ouvrit les yeux, elle était à nouveau dans le temple. Elle transpirait à grosses gouttes malgré le froid. Elle appelait Ryū de toutes ses forces, mais aucun son ne s'échappait de sa gorge sèche. Elle revint à elle lorsqu'un groupe d'enfants se précipita dans le temple. Elle quitta aussitôt le temple en courant. Elle aperçut Ryū au loin près de la statue. Ce dernier sentit peu après une forte pression autour de son cou. Ofelia venait de l'agripper de toutes ses forces. Il se contenta de la couvrir.
— Je suis là, murmura-t-il dans les cheveux de la Fandragore. Que s'est-il passé ? poursuivit-il, sentant Ofelia plus calme.
Elle s'écarta de quelques pas et essuya ses larmes.
— Ryū... Il était là, confia Ofelia d'une voix étranglée.
— Qui ? s'impatienta-t-il.
— Le Sage Aron. Il m'a parlé et dans la manière dont il m'a regardé... J'ai vu dans sa tête et c'était horrible, bégaya Ofelia.
Sa voix était déformée par la peur.
— Rentrons, proposa Ryū.
— Non, je veux continuer. Je ne vais pas passer ma vie à avoir peur.
Ofelia s'accroupit au pied de la statue, face à Ryū qui tentait de deviner son regard. Un carrosse les dépassa soudainement à vive allure. Il s'immobilisa de l'autre côté de la voie lorsqu'il arriva devant un vieux bâtiment en brique. Un écriteau doré annonçait la bienvenue au Département de l'Histoire et des Civilisations Anciennes (DHCA) de Port Brillant. Un homme descendit. Il regarda machinalement autour de lui puis il entra. Il était suivi par deux hommes qui se prêtèrent au même rituel.
— Qui sont-ils ? s'étonna Ofelia intriguée.
— C'est le doyen de la Faculté de théologie, Oskar Sterra. Les deux hommes qui l'accompagnent sont tous deux membres du Parlement. Ils s'occupent des aspects de défense, expliqua Ryū.
— Ton père ne devrait-il normalement pas se trouver avec eux ?
— Papa milite pour une meilleure intégration des Créatures Magiques, pas eux. Je vais tenter de découvrir ce qu'ils manigancent. Ces personnes sont très dangereuses, et je ne veux pas qu'elles découvrent ton existence.
— Ryū, débuta Ofelia.
Le jeune homme s'apprêtait à partir, et revint sur ses pas. Ofelia sentait toute son attention sur elle. Ses lèvres tremblaient sans laisser échapper le moindre son.
— Sois prudent, dit-elle enfin.
Ryū acquiesça dans un sourire avant de s'éloigner.
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Ofelia, la Fille Fleur. Tome1: Origines.
FantasyLes six magiciennes originelles créèrent l'Ora, une arme conférant le contrôle sur la vie et promettant l'immortalité, scellant leur alliance dans le sang et provoquant l'émoi parmi les êtres. Pendant des siècles, une guerre farouche éclata pour s'e...