Chapitre 7: Le Départ du Prince.

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Ryū suivit les trois hommes à l'intérieur du bâtiment. Quatre femmes étaient assises à chaque entrée de l'impressionnant hall. Elles écrivaient frénétiquement dans des registres sans tenir compte de l'ambiance mouvementée. La filature de Ryū le conduisit au premier étage. De nombreux couloirs aux chaises agencées se suivaient. Chaque porte close portait un écriteau en cuivre qui indiquait le nom et la fonction de son occupant.

La marche des trois hommes prit fin au détour d'un couloir. La seule porte affichait le nom du professeur Julian Amadeus. Ryū attendit qu'ils soient à l'intérieur avant de quitter sa cachette. Il s'approcha du trou de la serrure. Il les vit gesticuler. Ils parlaient suffisamment fort pour qu'il puisse entendre.

— Amadeus compte-t-il nous faire patienter encore longtemps ? s'impatienta Oskar.

Le doyen se détacha de la fenêtre de sa démarche robotique. Il semblait nerveux et passait fréquemment les mains dans ses cheveux gras. Il accomplissait les cent pas dans le bureau encombré sous l'œil bienveillant du portrait de l'actuel directeur.

— Il ne sera pas avec nous pour cette rencontre, informa Évariste. Je lui ai dit qu'on devait discuter d'aspects de défense, un sujet peu digne d'intérêt pour lui. La teneur de nos propos nous obligeait à le faire hors du Département.

Son index tapotait le pommeau de sa canne noire. Il était le chef de la Commission de Surveillance des Phénomènes Magiques. L'homme grassouillet toussa violemment dans un mouchoir qu'il rangea dans la poche de son manteau.

— On vous écoute alors, poursuivit le troisième homme.

— Chers confrères, les nouvelles ne sont guère réjouissantes. Les résultats préliminaires de l'enquête sont formels. Au moins une Fandragore a élu domicile à Port Brillant. Les Créatures Magiques se montrent bien agitées de l'autre côté depuis sa manifestation. On note aussi une utilisation anormale d'artéfacts du temps. Le nombre de voyages a littéralement doublé sans compter les voleurs de temps, expliqua Évariste.

— Tour Noire, Varda, tous semblent vouloir mettre la main sur cette Fandragore. Comment avons-nous pu ignorer la présence d'une telle créature durant toutes ces années ? Il faut qu'on lui mette la main dessus en premier, trancha Oskar.

— Nous avons un autre problème. Le fils de Pol est au cœur de cette affaire, raison pour laquelle il n'est pas convié à cette réunion. Nous savons que le jeune Onfroy est rentré en contact au moins une fois avec la Fandragore. Nous avons depuis lors mis le manoir sous surveillance. Un Chevalier de la Lumière s'est rendu l'autre soir chez eux. Nous ignorons la teneur de leur conversation, mais les Créatures Magiques s'intéressent à Ryū. Nous avons à présent la preuve palpable qu'il est l'un des leurs, poursuivit Évariste.

— N'oublions pas qu'Amadeus voue un profond attachement à Ryū et il prendra position pour lui. Je vous propose de garder cette conversation confidentielle, le temps de faire la lumière sur cette affaire. J'entrevois d'autre part une occasion de jeter le discrédit sur Pol et de durcir notre politique d'immigration et sur la limitation de l'utilisation des artéfacts du temps. Il ne pourra plus s'y opposer au risque de voir étaler au grand jour la vraie nature de son fils, expliqua Oskar, un sourire mauvais en coin.

— Chers confrères, dit Évariste, ne nous leurrons plus. Des forces sont en marche vers notre cité. J'ai la conviction que tout ceci a un lien avec l'Ora et la Fille Fleur. Je me rends de ce pas à Val Este. Je serai de retour dans quelques jours avec, je l'espère, plus d'éléments de réponse.

Sur ces mots, il mit son chapeau. Ryū se redressa aussitôt et se réfugia dans le bureau le plus proche. Il attendit que les voix s'éloignent avant de descendre à son tour puis il quitta le Département en direction de la bibliothèque.

Ofelia rangea son bouquin dans un profond soupir. Elle n'avait rien trouvé sur Yucca. Elle quitta le rayon et s'engagea sur l'escalier. Pendant ce temps, Ryū l'attendait dans le hall sur un banc. Lorsqu'il vit la Fandragore, il se précipita à sa rencontre. Un grand mouvement régnait autour d'eux, mais personne ne semblait leur prêter attention.

— Alors ? s'empressa de demander Ryū.

— Rien, répondit la Fandragore d'une petite voix déçue.

Son compagnon la consola d'un geste de la main sur l'épaule.

— Ryū ! s'écria une voix au milieu de la foule.

Les deux amis se retournèrent avec énergie. Le professeur Amadeus se dirigeait à grandes enjambées vers eux. Il semblait préoccupé. Ryū dressa instinctivement une barrière entre la Fandragore et le vieil homme. Il se mit à l'écart quand il se rendit compte de son geste. Un sourire dépassé se dessina sur ses lèvres.

— Professeur ?

Ofelia, la Fille Fleur. Tome1: Origines.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant