Chapitre 8: Guerre de Succession (Partie 3)

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Après avoir conduit son fils au lit, Nielle emprunta un couloir qui aboutissait sur une porte close. Un garde posté à l'entrée lui ouvrit puis reprit sa position. Nielle découvrit son époux assis dans un fauteuil. Une dame d'un certain âge se tenait à sa droite. Elle était richement vêtue et portait un diadème tandis qu'un rouge éclatant soulignait ses lèvres fines. Elle dévisagea Nielle tout en serrant la main de son fils.

Le prince Thaumas était un bel homme aux traits fins. Il possédait les mêmes yeux noisette que sa mère et les mêmes cheveux bouclés. Il était suivi par une jeune fille, dont les grands yeux clairs aux paupières tombantes ne s'attardaient sur rien.

— Nielle, quand comptais-tu m'informer de la bonne nouvelle ?

— Octavie... débuta Nielle hésitante.

— Silence, petite impertinente !

Octavie se leva avec grâce. Elle fit le tour et vint s'arrêter derrière Nielle. Elle était si proche de la reine qu'elle pouvait apercevoir la grosse veine qui lacerait son cou et sentir son parfum.

— Chère belle-sœur, nous étions neuf, mais nous ne sommes plus que deux. Je suis la plus âgée et de surcroit l'unique princesse. Conformément à nos lois, le trône revient à mon fils, Thaumas. J'ignore par quel subterfuge, tu as réussi à sauver la vie de ton fils, mais il n'a pas sa place ici, chuchota froidement Octavie dans l'oreille de la reine.

Octavie insista bien sur chaque mot. La perception de la peur qui secouait les entrailles de Nielle lui arracha un sourire démoniaque.

— Octavie ! Nous connaissons tous la loi, intervient Sloane.

Octavie regagna son fauteuil. Sloane tendit une main solide à sa femme et l'invita à le rejoindre.

— Mère a entièrement raison. Je ne veux pas d'un cousin sorti de nulle part entre mes jambes, intervient nerveusement Thaumas.

Il desserra légèrement son col en dentelle.

— Tais-toi, se lassa sa jeune sœur. Que serait ta légitimité si tu ne te confrontais pas à quelques cousins récalcitrants ? J'aimerais bien le rencontrer...

— C'est à toi de la fermer, chère sœur. Je te suggère de continuer à faire ce que tu fais de mieux, te dévergonder avec toute la noblesse de Varda, se moqua Thaumas.

— Tu sais de quoi tu parles vu que nous avons les mêmes fréquentations !

— Voyons les enfants, un peu de retenue, intervint Octavie visiblement gênée par les propos de sa fille. Pour en revenir à Isleen, j'aurai appris qu'il porte le patronyme des Flient, quel sacrilège de lui donner le nom royal. Ah j'oubliais, sa mère est une opportuniste qui n'a aucun nom. Sloane, que faisons-nous ?

— Isleen ne mérite pas ça, murmura Nielle au bord des sanglots.

— Je suis aussi une mère et je te comprends, mais Isleen n'a pas sa place ici. Tu n'es personne pour changer les règles du jeu. Il doit être exécuté. Je lui permets de rester jusqu'à demain soir, et, passé ce délai, j'ordonnerai sa mise à mort. Je pense avoir été suffisamment clémente.

Octavie se leva sans attendre la réponse du couple royal, et invita ses enfants à la suivre hors de la pièce. Le claquement de la porte arracha un tressaillement à Nielle.

— Nielle, je suis désolé, s'empressa de dire Sloane.

— Arrête d'être désolé et agis. Tu es le roi ! Il s'agit de la vie de ton fils unique, Sloane ! Tu ne vas pas laisser ta sœur le tuer pour permettre à son bâtard d'accéder au trône ?!

— Penses-tu que je l'ignore ! hurla Sloane.

Sa voix puissante calma aussitôt Nielle. Sloane, plus calme, regagna son fauteuil. Sa main caressait longuement son menton. Une reine peinée et désorientée se tenait en face de lui. Sloane leva les yeux et la regarda. Il lui tendit la main, et l'invita à prendre place sur ses genoux.

— Isleen est mon sang et je ne laisserai personne lui faire du tort. J'ai pris toutes les dispositions nécessaires, assura Sloane.

— Mon roi, je te prie de m'excuser. Je ne doute ni de ton amour pour notre fils ni de ton dévouement pour Varda. Je sais que tu agiras au mieux.

La reine ne tarda pas aux côtés de son époux. Après son départ, le roi replongea dans ses pensées. Au même moment, Ryū se redressa en sursaut. Encore un cauchemar ! Celui-ci différait des précédents. Il sentait encore les brulures du feu. Ryū repoussa ses cheveux humides en arrière et dégagea son visage inondé de sueur. Il bondit hors du lit. Il avait chaud. Il retira sa chemise maculée de sueur et il se dirigea vers le fond de la pièce. Une seule cruche contenait de l'eau sur la dizaine présente. Il la vida d'un trait, mais il ressentait encore le chaud et la soif. Il se rendit à la fenêtre en espérant un peu de réconfort, mais ce fut en vain.

Ryū marquait les cent pas entre la fenêtre et la porte. Son cœur battait si fort qu'il avait l'impression qu'il allait exploser dans sa poitrine. Cette accélération pompait son sang qui tambourinait en retour dans ses tympans. Il tomba sur ses genoux à bout de forces. Il commença alors à faire des pompes. Il espérait se dépenser, mais Ryū sentait ses muscles saillir au fur et à mesure qu'il s'exerçait. Tout bouillonnait dans sa tête et ça palpitait dans son cœur.

Il se sentait habité par un être qui bataillait pour contrôler chaque muscle de son corps. Ses flashs étaient violents et intenses. Il avait la sensation de se rappeler des fragments d'une vie antérieure. Ryū continuait à faire des pompes, de plus en plus vite...

Plus il s'exerçait, plus les souvenirs devenaient intenses et précis. Une silhouette apparaissait distinctement, elle portait une armure. Ryū accéléra la cadence. Le visage se rapprocha de plus en plus. L'apparition se retourna enfin, et Ryū vit pour la première fois le visage de Varus. Incapable de contenir cette énergie, Ryū fut violemment projeté contre le mur. Il sombra dans l'inconscience.


Ofelia, la Fille Fleur. Tome1: Origines.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant