— Ofelia, ma tendre enfant, n'as-tu rien ? s'inquiéta une voix qui venait des buissons.
Camélia arriva à temps pour alléger la charge d'Ofelia. Ainsi s'appelait l'enfant qui franchit la frontière de Port Brillant avec Camélia, il y a vingt-et-un ans. Le temps ne semblait pas avoir d'emprise sur Camélia, les Fandragores jouissaient d'un processus de vieillissement relativement lent.
— Maman, je vais bien. En revanche, il est mal en point.
— Emmenons-le à l'intérieur.
Ryū fut transporté à l'intérieur et allongé sur le lit d'Ofelia. Camélia l'examina sous le regard attentif de sa fille. Elle retira les chaussures du blessé, desserra son nœud, déboutonna son col et le couvrit chaudement. Ofelia grelotait de froid, mais l'état de Ryū semblait la préoccuper plus. Ses cheveux humides s'égouttaient sur le plancher de bois.
— Il est sérieusement amoché, constata Camélia.
— Il a fait une belle chute. Je suis surprise qu'il n'en soit pas mort.
— La bonne nouvelle est qu'il va s'en sortir.
Camélia plaça ses mains au-dessus de Ryū. Une lueur s'en dégagea aussitôt. La magie opéra lorsqu'elle le recouvrit entièrement. Ses côtes se ressoudèrent. Le bruit fut perceptible dans toute la pièce. Ses blessures se refermèrent et ses bleus disparurent. Il sembla plus apaisé après ces soins. Ses joues reprirent une magnifique teinte rose.
— Ça devrait aller, déclara finalement Camélia.
Ses paroles décrispèrent Ofelia. Elle put enfin détacher son regard du blessé. Elle déglutit en constatant le regard suspicieux de sa mère. Camélia ferma les volets et ajusta la lumière de la lanterne. Les deux Fandragores se retirèrent au salon. La pièce aux couleurs chatoyantes était chaleureuse et épurée.
Camélia revint de la petite cuisine avec deux tasses de tisane. Elles s'installèrent autour de la table avec le même regard grave. Les tasses à peine entamées libéraient une agréable vapeur de camomille dans la pièce tiède.
— Comment s'est-il fait toutes ces blessures ? s'étonna Camélia.
— En tombant du dos d'un dragon.
Un léger sourire accompagna la réponse d'Ofelia. Elle tournait sa tasse entre ses doigts encore tremblants. Elle avait fait un chignon avec ses cheveux ébouriffés.
— Rien que ça ! s'ahurit Camélia.
— Je pensais que ta réaction serait plus tragédienne.
— Ofelia, nous en avons parlé des centaines de fois. Oublie Val Este !
— Tu refuses de me parler ! À ta guise ! Tu dois savoir qu'il a maitrisé un dragon et peu de personnes sont capables de telles prouesses. Ça commence à faire trop de Créatures Magiques à Port Brillant. Je monte !
Ofelia quitta la table avec déception et monta. Devant sa chambre, elle s'arrêta, inspira, hésita, puis entra. Son visage se détendit à la vue de Ryū. Elle s'approcha de lui. Il dormait toujours à poings fermés. Elle rehaussa sa couverture et prit place sur la chaise. Ryū vivait intensément son rêve à quelques mètres d'elle...
Il marchait dans une pièce vide et froide. Un tas de feuilles mortes tapissait le sol en dalle. De grandes fenêtres donnaient sur un jardin. Le jeune homme ne perçut qu'un paysage mort sous un ciel gris. La chaleur ambiante titillait ses doigts, alors qu'un subtil parfum emplissait l'atmosphère de la pièce. Tout semblait si réel.
Il aperçut au loin une femme assise sur un trône. Elle se leva à la vue de Ryū, et elle vint à sa rencontre. Elle portait une robe de soie et marchait pieds nus. Cytise, la reine à la peau terreuse et à la chevelure de feu, semblait intriguée par le jeune homme. Elle se déplaça avec grâce derrière lui, et effleura délicatement sa silhouette. Sans savoir qui elle était, il laissa ses yeux la suivre sans un mot. La chaleur dans les paumes de Ryū demeurait.
Cytise, la reine d'Anisville, effectua un cercle minutieux autour de l'invité, comme pour l'examiner sous tous les angles. Reprenant sa place face à lui, elle plongea son regard dans le sien. Elle saisit alors délicatement son visage entre ses mains, elle rapprocha ses lèvres de son oreille pour lui murmurer des mots chargés de mise en garde.
— Aux confins du feu et de la glace, l'enfant maudit est né. Il est parmi nous, et s'emploie à ériger les jalons de notre destruction. Isleen, il faut retrouver la Fille Fleur.
La reine Cytise s'éloigna de Ryū après ces mots. Un grand vent se leva aussitôt. Le décor et la femme s'évaporèrent telle une trainée de poudre. Ryū se réveilla en sursaut. Sa respiration haletait. Ses yeux s'habituèrent peu à peu à la lumière tamisée de la pièce. Il baissa les yeux, il serrait la main d'Ofelia. La chaleur était la sienne. La Fandragore retira aussitôt la sienne. Les yeux de Ryū la submergèrent. Elle se rendit compte à quel point ils étaient verts et profonds. Ofelia recula.
— Où suis-je ? dit enfin Ryū, en rompant le silence.
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Ofelia, la Fille Fleur. Tome1: Origines.
FantasiaLes six magiciennes originelles créèrent l'Ora, une arme conférant le contrôle sur la vie et promettant l'immortalité, scellant leur alliance dans le sang et provoquant l'émoi parmi les êtres. Pendant des siècles, une guerre farouche éclata pour s'e...