Chapitre 14: Le Festin (Partie 2)

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Sloane posa tout à coup sa coupe avec fracas. Le silence gagna aussitôt la table. Son visage s'était asséché. Il ne riait plus. Les servantes évacuèrent les plateaux et les assiettes avec une précision mécanique. Elles s'éclipsèrent immédiatement de la pièce.

— Mes fidèles compagnons, vous avez toujours fait preuve d'une loyauté sans failles à mon égard. Une fois encore, votre roi requiert votre dévouement pour une mission de la plus haute importance.

La voix de Sloane était rauque et noyée dans l'alcool.

— Notre loyauté, nos armes, et nos vies vous sont acquises, affirma Philip.

— Je vous informe que mon fils Isleen est en vie, confia le roi.

L'incompréhension et la confusion s'emparèrent de l'assistance. Personne ne s'attendait à une telle révélation. Cimon flaira sa coupe pour s'assurer qu'elle ne contînt que du vin.

— Neth l'a retrouvé à Port Brillant. Il a été élevé par des Humains. Il se fait désormais appeler Ryū Onfroy.

Les chevaliers semblaient encore plus choqués d'entendre le nom d'une cité Humaine. Tous se tournèrent vers Neth. Ce dernier demeurait imperturbable. Ses compagnons le regardèrent furtivement avant de fixer le roi une nouvelle fois.

— Cela bouleverse toutes nos prévisions, expliqua Sloane, mais ce n'est pas une mauvaise chose en soi. J'ai retrouvé mon fils, et je compte le rallier à notre cause.

— Je n'ai pas eu l'occasion de le rencontrer, déplora Antoine, mais je l'imagine mal nous aider. Il doit avoir beaucoup de ressentiments envers vous et Varda. Il se dit que son peuple l'a abandonné et cela n'est pas totalement faux.

— Isleen est censé être mort, intervient Cimon. Cela va relancer les rumeurs sur la malédiction de Varus.

— Je préfère concilier avec lui, expliqua le roi. On peut au moins le voir et le toucher, contrairement à l'Ora. Le seul moyen qui existe pour exercer un semblant de contrôler sur Isleen serait de lui faire croire que nous menons le même combat.

— Selon vous, mon roi, quel est son combat à lui ? interrogea Shin.

— Nous pensons qu'il connait la Fille Fleur, intervint Neth.

Cette révélation fracassante arracha le même regard ébahi aux chevaliers autour de la table. Quelques jurons se firent entendre. Cimon décida de déposer sa coupe définitivement.

— Comment est-elle ? demanda Antoine d'un ton curieux.

— Magnifique, avoua Neth. J'ai eu l'occasion de les rencontrer tous les deux à Port Brillant. Le prince Isleen est complètement absorbé par cette Fandragore. La preuve : il s'est lancé pour elle à la recherche du Temple des Merveilles.

— Qu'exige le prince en retour ? s'inquiéta Shin. J'imagine bien que cette aide précieuse a un prix si jamais il est prêt à faire des efforts.

— Il exige d'être reconnu comme l'héritier légitime du trône de Varda. Ses secondes doléances furent la garantie de sécurité pour la Fandragore, expliqua Sloane.

— Il me plait déjà ce garçon, tonna Cimon. Ces doléances ne sont pas des moindres, mais elles me semblent légitimes.

— J'ai accepté.

— Il faudra convaincre un beau monde, dont votre sœur, rappela Antoine.

Les chevaliers regardèrent le roi. Ils scrutaient chaque ride de son visage, chaque expression, et chaque battement de cils.

— Je vais dans un premier temps tenter le dialogue. Nous ne sommes pas des sauvages, après tout. De plus, peu de personnes sont acquises aux idéaux politiques de Thaumas.

— Mais beaucoup plus sont acquises à sa générosité et à ses fêtes grandioses ! rappela Philip. Il reste un piètre soldat, mais il sait quoi faire pour s'attirer les faveurs du peuple.

— Il ne serait pas souhaitable qu'on achète les uns et les autres par de l'or, des terres et des avantages. Ces chiens sont plus voraces que des poux et plus infects que la peste ! Ils en voudront toujours plus !

— Cimon à raison. Mon roi, tentez le dialogue. Si jamais ces fils de putains refusent, on saura s'occuper d'eux, conclut Philip.

Le roi Sloane se sentait heureux et comblé. Les plus loyaux, les plus braves et les plus puissants chevaliers de Varda n'attendaient qu'un mot de sa part. Leur soutien et celui de son fils, bien qu'à demi obtenu, le plaçaient en haut de la liste. Il leva sa coupe à sa victoire future qu'il savourait déjà. Elle lui apparut aussi sucrée, désaltérante et douce que le vin qu'il dégustait.

Ofelia, la Fille Fleur. Tome1: Origines.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant