Chapitre 3: Enfants Prodigues

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Ofelia atteignit le quartier des Vénérés. Une centaine d'ouvriers s'activait à la reconstruction de la tour de la banque. Les mêmes affiches émanaient du Comité de Régulation des Objets Magiques (CROM) à chaque coin de rue. Elles invitaient les citadins à la prudence. Elle vit les armoiries de la cité. Elles représentaient deux tours qui entouraient un loup couronné. Le texte apposé en dessous disait : « Unis dans la diversité ».

Ofelia se sentit perdue au milieu de tous ses passants. Elle les voyait trop pressés pour lui accorder une importance. Ils montraient cependant à son égard un regard perplexe. Elle comprit. Elle détonnait par sa tenue colorée, sa coiffure et par son comportement. La jeune fille décida de prendre un répit sur un banc. Son regard tomba sur la grande horloge, elle indiquait déjà seize heures, et elle ne possédait aucune information sur Ryū.

Elle aperçut soudain Abel au détour d'une ruelle. Il quittait le manoir 89. Il s'agissait de loin du plus grand et du plus luxueux des alentours. La Fandragore possédait la faculté de reconnaitre chaque Créature Magique ou Humain qu'elle croisait grâce à son aura, et celle d'Abel s'était presque éteinte. Ofelia attendit qu'il disparaisse dans la prochaine rue pour se faufiler à l'intérieur.

L'imposante demeure en pierre et bois se dressait face à elle. Le baptiste était vieux, mais magnifique et bien entretenu. Un grand mitron en pierre rouge surplombait le toit en tuile ocre rouge. Elle remarqua le sous-bois derrière le manoir. Elle ne put détacher son regard de l'immense jardin. Une grande fontaine au centre offrait plusieurs possibilités d'allées.

Ofelia entendit soudainement des voix. Elle se réfugia aussitôt derrière le chêne. Le large tronc lui permit d'éviter les deux dames de chambre. Elle quitta sa cachette lorsque les voix s'éloignèrent. Elle se retourna, et elle se retrouva face à Ryū. Le cœur de la Fandragore fit un fond dans sa poitrine. Il l'intimidait. Elle ne sut quoi dire devant le regard intransigeant de Ryū. Il attendait là, visiblement depuis un certain temps. Il demeurait statique, les mains fourrées dans ses poches. Il lui parut imposant malgré sa chemise noire ample.

— Depuis quand es-tu là ? bafouilla Ofelia en rompant le silence.

— Suffisamment longtemps. Que fais-tu ici ?

Ofelia déglutit. Elle était gênée de l'accuser de vol sans preuve palpable. Son silence dura. Ryū retira les mains de ses poches et marcha vers Ofelia. La Fandragore, acculée et incapable de supporter le regard de son interlocuteur, baissa les yeux.

— Je crois que tu as un objet qui m'appartient, dit enfin Ofelia.

— Tu m'accuses de vol, s'effara Ryū.

Il abdiqua face au visage asséché de la Fandragore. Il semblait se souvenir d'une barrière à ne pas franchir. Son regard s'adoucit aussitôt. Ofelia s'intrigua par les changements subits d'humeur de son interlocuteur.

— Je ne suis pas un voleur. J'ai espéré que ce bijou te conduise ici, continua-t-il.

Il s'approcha d'Ofelia et lui prit la main. La chaleur qui s'en dégageait à son contact malgré le froid la troubla. Ryū y déposa le pendentif, referma la main d'Ofelia et s'excusa. La Fandragore s'empressa de le remettre.

— Je m'appelle Ryū. Ryū Onfroy.

— Je m'appelle Ofelia. Juste Ofelia.

Cette réponse fit douter Ryū. Il avait lu quelque part que les Fandragores portaient des noms de fleurs ou de plantes. Aucune fleur ne s'appelait ainsi. Du moins, pas à sa connaissance.

— Juste Ofelia, c'est très joli. Je suis très intrigué. Qui es-tu ?

— Je suis une Fandragore. Toi et tes semblables, vous pouvez vous contenter de nous nommer Monstres, ou Créatures Magiques pour les plus civilisés.

C'était la première fois de sa vie qu'Ofelia se révélait à quelqu'un. Elle ignorait pourquoi, mais sa confiance en Ryū devenait totale.

— Je ne suis pas Humain, mais, continua-t-il face au regard interloqué d'Ofelia, à la différence de toi, je cherche encore qui je suis. J'ai été abandonné dans ce même jardin.

— C'est une histoire très personnelle. Pourquoi me l'avoir racontée ?

— Je sais que tu ne le diras à personne. Tu connais ma famille, mais tu n'as pas non plus hésité à me parler de toi. Est-ce à cause de cela que ta mère me déteste autant ?

— Reconnais que tu ne fais pas d'efforts pour te faire aimer. La leçon d'histoire est terminée. Ryū Onfroy, nos routes se séparent ici. Je te souhaite bonne chance et j'espère que tu trouveras ce que tu cherches.

— Laisse-moi au moins te raccompagner. Si tu ne veux plus me revoir après m'avoir écouté, je n'insisterai pas. Promis.

Tout aurait pu s'arrêter là. Ofelia savait aufond d'elle qu'elle devait écouter Camélia et mettre un terme à tout ceci, maisson désir de le revoir demeurait plus fort. Elle accepta.

Ofelia, la Fille Fleur. Tome1: Origines.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant