Ofelia revint à elle lorsque la voix de Pol leur parvint depuis le salon. Un homme l'accompagnait. Ofelia quitta le sillage de Ryū pour mieux observer le visiteur. La prestance de l'homme saisit aussitôt la Fandragore.
Il portait un uniforme noir fabriqué de matière plastique, de peau et d'acier. Les armoiries de la famille royale de Varda étaient brodées sur sa poitrine droite. Le regard de Ryū ne parvenait pas, lui non plus, à se détacher du blason. Il sut au fond de lui-même que la soirée allait être longue, très longue.
— Papa... Qui est cet homme ?
Pol s'écarta dans un profond soupir. Ofelia scruta le visage décontenancé de Camélia. Elle mesurait la symbolique de cette visite sans comprendre véritablement ce qui se passait. À la surprise générale, l'inconnu prêta allégeance à Ryū, la main gauche plaquée contre son cœur, et la tête baissée.
— Je vous salue, Votre Altesse, déclara-t-il.
Le cœur de Ryū s'emballa à l'entente de ces mots. Le sang affluait vers ses tympans, et le cognait d'une migraine atroce. Une multitude de sentiments déferlaient en lui. Ils lui semblaient aussi puissants que confus. La seule chose que les personnes présentes dans la salle remarquèrent fut la rougeur intense de son visage.
— Ryū, dis quelque chose, murmura Ofelia en lui tenant la main.
— Relève-toi, balbutia Ryū.
L'homme s'exécuta.
— Qui es-tu ? demanda Ryū.
Il essayait de rassembler le peu de sang-froid qui lui restait.
— Nous serons mieux assis, proposa Pol.
L'assistance s'exécuta. Tous se réunirent sur le divan, face à l'inconnu.
— Je m'appelle Neth. Je suis un Chevalier de la Lumière et je viens de Varda. Dans la configuration de notre Armée, je fais partie de l'élite qui constitue la garde personnelle de la famille royale. C'est l'énergie de la Fandragore qui m'a conduit ici. Cela faisait des mois que je parcourais les terres des Humains pour vous retrouver.
— Ofelia, qu'est-ce qui t'a pris de retirer ton pendentif ! intervint Camélia.
— Ce n'est pas sa faute, répliqua Ryū. Neth, continuez...
— Vous êtes le prince Isleen Flint, déclara Neth.
Ofelia et Pol avaient le même regard ébahi contrairement à Camélia qui restait de marbre. L'expression de Ryū était un mélange de déception et de surprise.
— Admettons. Qu'est-ce que vous voulez ? s'impatienta Ryū.
— Votre Altesse, je souhaiterais que vous rentriez avec moi à Varda.
— Vous ne manquez pas de cran ! intervint énergiquement Pol.
Sa main atterrit violemment sur la table en bois de hêtre.
— Papa...
— Varda a abandonné cet enfant à son triste sort. Moi, j'ai été là et j'ai veillé sur lui. Pour moi, ils sont indignes d'être parents. Je m'estime donc digne de clamer sa paternité ! Il ne bougera pas !
Ryū ne se sentait émotionnellement pas mieux. Il tremblait et sa poitrine se gonflait frénétiquement. Ofelia lui prit la main. Elle espérait lui apporter un peu de réconfort.
— Camélia, faites-lui entendre raison, intervint Neth.
Tous les regards se braquèrent sur la Fandragore. Acculée, Camélia se leva et se rendit à la fenêtre. Elle avait dû supporter le pire regard de sa fille.
— Neth a raison. Ryū, tu ne peux pas rester ici.
— Maman, non ! intervint Ofelia déçue. Ce n'est pas à toi de décider.
Ofelia fondit en larmes, incapable de contrôler ses émotions. Les sanglots de la Fandragore jetèrent un froid dans la pièce.
— Ofelia, je vous en prie, calmez-vous, intervint Pol. Je me suis emporté. Ryū, j'aimerais que tu rencontres tes vrais parents. Tu as besoin de cela pour passer à autre chose.
Pol se leva. Il quitta la pièce en tentant de garder la tête haute. Il se réfugia dans son bureau. Il s'avachit sur son fauteuil, et prit de longues inspirations pour digérer la boule qui nouait son œsophage. Parmi tous les trésors qu'il possédait au monde – et ils étaient nombreux –, son fils restait de loin le plus précieux et le plus digne d'être admiré. Pourquoi se retenir ? Il laissa exploser sa peine et sa colère.
L'atmosphère demeurait toujours tendue au salon. La colère avait laissé la place au doute. Seuls les craquements du bois dans la cheminée troublaient le silence.
— Je vous dois des excuses pour cette visite inopinée. J'aurai cependant cru que vous seriez mieux préparé, se justifia Neth.
— Chevalier, est-ce que tu t'entends parler ? Qui allait le préparer à son destin ?
— Il est temps que je prenne congé de vous, la situation est assez délicate. Mon Prince, le choix vous incombe. Je suis conscient que vous soyez bouleversé. Si vous décidiez de rester, je comprendrais. Au cas contraire, je vous attendrai demain à minuit sous l'arcade.
Neth se tourna vers les deux Fandragores. Son regard s'attarda sur Ofelia. Aussitôt Camélia se dressa entre sa fille et le Chevalier.
— Commandeure, je ne vous connais que de nom, mais votre histoire et votre bravoure nous sont enseignées. Il serait temps de parler à votre enfant. Le temps, c'est ce dont nous disposons le moins.
Neth se dirigea vers la porte pyrogravée.
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Ofelia, la Fille Fleur. Tome1: Origines.
FantasyLes six magiciennes originelles créèrent l'Ora, une arme conférant le contrôle sur la vie et promettant l'immortalité, scellant leur alliance dans le sang et provoquant l'émoi parmi les êtres. Pendant des siècles, une guerre farouche éclata pour s'e...