Chapitre 6 : Apparition.

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Port Brillant se leva sous un ciel gris. Ryū admirait Ofelia depuis la fenêtre de sa chambre. Il la voyait assise sur la balançoire. Elle avait gardé sa chemise et avait fait un chignon avec ses cheveux. Elle était la seule source de vie dans l'immense jardin accablé par le froid. Ryū devinait ses gestes à force de la regarder. Il était fasciné et heureux. On toqua soudainement à la porte. Arild entra après sa réponse affirmative. Il rejoignit le jeune maitre et fit comme lui.

— Cela fait des années que je n'ai pas vu Monsieur avec un air si apaisé.

— Mon cher Arild, je n'ai pourtant jamais autant douté de ma vie, confia Ryū. Je peux te le dire, Ofelia me plait. Je vois l'avenir dans ses yeux. Elle se tient à quelques mètres de moi, mais je sens que tout un monde nous sépare. Je n'arrive pas à faire taire cette voix intérieure qui me dit de persévérer, mais je crains d'oppresser cette fleur délicate.

Il fourra les mains dans ses poches et continua à observer la Fandragore. Arild l'avait attentivement écouté. Il semblait si bien le comprendre ! Le jeune maitre se laissait rarement aller aux confidences et ces mots venaient du fond de son cœur.

— Ryū, aucune rencontre n'est fortuite. Vous êtes un homme bon, et généreux. L'amour que vous ressentez pour Ofelia est pur. Écoutez votre cœur et n'ayez aucun regret.

— Et si elle me repousse, poursuivit Ryū.

— Et si elle n'attendait que ça ?

Ryū regarda avec surprise Arild qui le gratifiait d'un large sourire.

— Les âmes sœurs sont toujours faites pour se rencontrer, Monsieur. Nous avons tous notre moitié qui nous attend quelque part. Malheureusement, très peu ont cette chance de la rencontrer. Je pense que vous devriez avouer nos sentiments à Ofelia. Le déjeuner est servi.

Ryū posa une main rassurante sur l'épaule du vieil homme. Ils quittèrent la chambre au même moment, mais prirent des directions différentes. Ryū sortit dans le jardin. Ce temps ne l'enchantait point. Il descendit dans la cour et s'engagea dans l'une des allées.

— Ça te va si bien de penser autant à moi, dit-il en surgissant derrière Ofelia.

Il eut l'effet escompté, car elle bondit littéralement de la balançoire.

— Ryū, tu es un grand malade ! hurla Ofelia en pinçant sa poitrine palpitante.

Ryū éclata de rire. Il riait pour de vrai et sans retenue. Ofelia ne tarda pas à le rejoindre dans son fou rire. Il s'arrêta et lui laissa toute la place. Son rire était magnifique. Ryū prit place sur l'autre balançoire. Il était trop grand pour se balancer.

— Je te trouve bien pensive. Les échanges avec Camélia t'ont-ils été bénéfiques ? demanda Ryū redevenu sérieux.

— Je suis encore plus confuse, souffla Ofelia.

Elle regagna la balançoire et reprit son mouvement. Le mécanisme rouillé grinçait d'un bruit sec et régulier.

— Camélia t'aime plus que tout au monde et elle veut te protéger. Peut-être que tu ne devrais pas trop fouiller.

— Il faut que je sache, déclara Ofelia en détresse.

Ryū connaissait trop bien ce regard perdu. Ce sentiment était le pire et il l'avait côtoyé toute sa vie. Il ne le souhaitait à personne et encore moins à Ofelia. C'était le genre de sentiment qui effacerait n'importe quel sourire, même le sien.

— Tu as pu me retrouver grâce à un nom, s'amusa Ryū.

Il tendit la main à Ofelia, et l'invita à le rejoindre debout. Elle était chaude et réconfortante. La Fandragore n'avait qu'une envie, celle de sentir cette chaleur l'envelopper et ne plus la quitter. La Fandragore se réfugia dans les bras de son ami. Ses sentiments pour le prince grandissaient, et se trouver tout le temps avec lui ne l'aidait pas.

Elle se fit restriction sur elle-même pour profiter de l'instant, mais jusqu'où pouvait-elle se laisser aller ? Saurait-elle osciller autour du précipice, subtile métaphore de la limite à ne pas franchir avec Ryū ?

Ofelia, la Fille Fleur. Tome1: Origines.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant