Chapitre 19 : Séparation.

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Note: je vous annonce que c'est le dernier chapitre sur "Origines". Si vous avez suivi l'aventure jusqu'ici, je vous en remercie. J'espère également que vous avez pris du plaisir à me lire. Une aventure qui se termine et une autre commence... j'en dit pas plus. 

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Ryū demeura immobile aux portes du Jardin malgré les supplications d'Abel. Il espérait encore voir Ofelia marcher vers lui et le rassurer en lui disant que tout allait bien. Ryū avait mal, car il n'avait pas pu tenir la seule promesse qu'il ait faite à la Fandragore. Il fallait que ça sorte !

Ryū s'attaqua aux murs et aux colonnes qui l'entouraient. Ses poings en sang cognaient contre le mur fissuré. Ses amis impuissants assistaient à son désespoir. Il finit par détruire la colonne de marbre qui soutenait le toit. Toute la structure se mit aussitôt à trembler.

— Il faut l'arrêter, s'écria Hemma, fermement accrochée à un bloc de pierre.

Abel fouilla dans le sac et en ressortit une fiole. Il s'approcha de Ryū et l'asperge avec. Le prince tituba sur quelques pas avant de s'écrouler. Abel redressa son ami inconscient. Aidés par Hemma, ils se dirigèrent vers la sortie. Les murs tremblaient au-dessus de leurs têtes. De gros blocs de pierre se détachaient du plafond.

Ils réussirent tous à quitter l'édifice à temps. Un grand bouclier de lumière le recouvrit dès qu'ils franchirent la porte du temple. Il redevenait les ruines auxquelles Ofelia avait redonné vie. Les amis de Ryū s'attelèrent à soigner ses blessures et à surveiller sa fièvre. Abel alluma un feu magique et il fit bouillir plusieurs plantes dans une marmite. Pendant qu'il surveillait le liquide qui mijotait, Vita changeait le linge sur le front de Ryū.

— Alors, la fièvre a-t-elle baissé, s'inquiéta Hemma.

— Il est toujours brulant. Nous sommes en train de le perdre, expliqua Vita.

— Retournons voir Alwin, proposa Hemma. Il saura peut-être quoi faire.

— C'est la meilleure chose à faire. Cette potion va le stabiliser en attendant.

Abel remplit une louche et il glissa quelques gouttes au travers des lèvres de Ryū. Le corps livide du prince était envahi de grosses gouttes de sueur. Son corps mortifié portait de violentes blessures.

— Je vais confectionner des attelles, proposa Abel. Hemma, peux-tu venir m'aider ?

Les deux cousins se rendirent vers les roseaux voisins. Munis de poignards, ils se mirent au travail.

— Où penses-tu qu'Ofelia soit en ce moment ? demanda Hemma.

Sa voix était calme et détachée. Elle nouait vigoureusement les morceaux de bois entre eux. Le soleil levant renforçait la dorure de ses cheveux.

— Probablement avec Syd... Je n'en sais rien.

Abel faisait les mêmes gestes mécaniques de sa cousine.

— J'espère qu'il ne va pas la tuer ! ajouta-t-elle.

— Comme si cela t'intéressait ! s'agaça Abel.

Abel leva la tête. Hemma eut le privilège de lire la déception dans ses yeux.

— Je ne suis pas effacée comme Ofelia ! Elle concède tout à Ryū. Elle est d'accord avec tout ce qu'il dit ou fait. Il peut la contrôler et il a du pouvoir sur elle. Il va forcément l'aimer. Tout le monde l'aime.

— Tout te ramène forcément à elle, souffla Abel. Ce n'est pas une compétition.

— Si, c'en est une. C'est à cause d'elle que Ryū s'est détourné de moi !

— Il s'est détourné de toi, le jour où tu l'as traité comme un Monstre. Il s'était pourtant battu pour toi. Tu es incapable d'aimer les autres, car tu t'es reniée.

— Abel, assez ! Cela fait des années que Ryū me le fait payer. Je connais parfaitement la douleur ressentie lorsqu'une personne aimée te regarde comme un détritus. Mon père nous a rejetés, car nous représentions tout ce qui le répugnait. Je me suis comporté ainsi uniquement pour que Père m'aime.

Ces confessions brisèrent la carapace qu'Hemma s'était créée pour se protéger. Elle restait cependant trop fière pour pleurer devant son cousin. Abel se leva et emporta l'attelle avec lui. Hemma avait besoin de quelques instants pour digérer. 

Lorsqu'elle les rejoignit, Ryū était déjà installé et attaché. Les campeurs empruntèrent le même trajet pour quitter le temple, sans l'Ora, sans Ofelia, et presque sans Ryū, car il n'était plus que l'ombre de lui-même.

Le pont de lumière disparut après leur passage. Le Temple des Merveilles devenait une nouvelle fois inaccessible. Les cinq voyageurs atteignirent enfin la forêt après plusieurs jours de voyage. Ils décidèrent de prendre un peu de repos près du lac avant de le traverser pour rejoindre Alwin. Ils montèrent un camp de fortune au bord de l'eau.

Un tapis d'herbe d'un vert sombre recouvrait les abords de l'eau sombre et silencieuse. Un voile de brume recouvrait la surface de l'eau et continuait derrière les grands conifères. Au loin, la montagne, théâtre de dangers insoupçonnés, magnifiait le tableau. Abel veillait sur Ryū pendant que ses compagnons se baignaient et se ravitaillaient en eau. Les jeunes femmes virent tout à coup Abel se précipiter vers elles.

— Il est réveillé ! s'écria-t-il.

Les jumelles et Vita quittèrent l'eau et se précipitèrent aux côtés de Ryū. À leur arrivée, il leur faisait face. Il se tenait debout, le dos appuyé contre un arbre. Ses amis eurent la latitude pour remarquer son expression glaciale bien qu'il ait la tête baissée.

— Ryū ? Te sens-tu mieux ? s'inquiéta Abel.

— Avez-vous des nouvelles ? demanda-t-il calmement.

— Non, répondit promptement Abel.

— Combien de temps ai-je dormi ?

— Cinq jours.

Ryū replia ses poings à cette réponse. Une blessure s'ouvrit aussitôt et du sang gicla. Il serra les dents sous l'effet de la douleur. Abel et les filles se retrouvaient devant une épave, une poupée de cire au regard vitreux. Ryū finit par baisser les yeux. Ils lui faisaient, eux aussi, atrocement mal, tout comme l'ensemble de son corps. La douleur de son abdomen demeurait vive. Même de parler provoquait en lui une douleur indescriptible.

— La maison d'Alwin se trouve de l'autre côté du lac. Nos chevaux nous y attendent. On sera bientôt de retour chez nous. Les médecins vont bien s'occuper de toi, intervint Vita.

Ryū resta silencieux. Il prit place sur un vieux tronc d'arbre. Ses amis remballèrent pendant ce temps leurs affaires. Les cinq voyageurs reprirent la route quelques instants plus tard. Ils atteignirent la cabane d'Alwin en milieu de journée. 

Les coursiers paissaient dans les prés voisins. Alis se précipita vers l'entrée. La petite porte resta close malgré son acharnement. Abel la rejoignit et força la porte. À leur grande surprise, la maison était vide. Alwin s'était tout simplement volatilisé.

— Nous avons au moins les chevaux, souffla Abel.

— On sera à Port Brillant rapidement, d'autant plus que nous ne sommes plus obligés d'emprunter les sentiers, nota Hemma.

Ofelia, la Fille Fleur. Tome1: Origines.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant