Chapitre 5: Souvenirs. (Partie 2)

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[Château des Cent-treize Sages, Val Este.]

Les Sages étaient des êtres éclairés. Ils représentaient la dernière institution avant les Six Divines, les magiciennes originelles. Leur tribunal se réunissait une fois par an pour statuer sur les sujets récurrents concernant Val Este. Chaque Créature Magique pouvait présenter ses doléances, et les sujets jugés d'importance capitale étaient traités en plénière.

Le tribunal se tenait dans un imposant château taillé dans la pierre. Ses hautes tours déchiraient aisément la brume opaque, et se prolongeaient vers le ciel. Il se situait en zone neutre afin d'assoir sa légitimité. L'autre face de la montagne était érigée en batiste où les Sages vivaient reclus.

Le jour tant attendu arriva. Une foule nombreuse prit le château d'assaut. Une immense étable était bâtie au pied de la montagne pour accueillir les carrosses. Seul un long escalier, taillé dans la montagne, permettait d'accéder à la demeure fortifiée.

Cytise s'engagea sur les marches, Camélia à ses côtés. La robe de la reine ressortait scandaleusement jaune au milieu de cette foule dominée par le noir. Camélia avait troqué son uniforme contre une robe d'un rouge chatoyant. Elle avait aussi relâché ses cheveux. Toutes les personnes présentes étaient réunies dans une grande salle qui s'élevait sur plusieurs dizaines de mètres. Un groupe de disciples se chargeaient d'offrir de la nourriture et des boissons à la centaine d'invités. Les coupes et les assiettes étaient en or massif.

Un homme grassouillet muni d'un long parchemin surgit bientôt d'un couloir. Il invita la reine Cytise à le suivre. La reine se leva, lança un regard rassurant à Camélia puis s'en alla. Sa marche prit fin devant une porte. Le guide ouvrit et la laissa pénétrer dans la salle.

La séance se tenait dans une grande salle ronde. Une faible pénombre y flottait malgré les cent-treize flambeaux allumés. Les Sages tous vêtus de toges blanches, occupaient les sept niveaux de seize rangées d'assises. Une flamme verte, suspendue au dessus du sol se consumait au milieu de la salle. La barre des intervenants se trouvait non loin là.

Bientôt, un cent-treizième sage apparu distinctement. Il était vêtu de noir et coiffé d'un chapeau conique. A la vue de la reine, le visage de Méric, l'Ainé se détendit. Il invita l'assemblée à observer le silence par un raclement de la gorge.

— Louange aux Divines ! Chers frères, nous recevons la reine Cytise d'Anisville.

Méric l'Ainé invita Cytise à rejoindre la barre des intervenants. Bien qu'elle portât la tête droite, elle se voyait dévisagée par tous.

— Louange aux Divines ! Je débute mon intervention en vous remerciant de m'avoir donné l'opportunité de m'exprimer devant cette illustre Assemblée. Il ne fait aucun doute que l'Ora obéit à sa volonté propre et qu'elle a décidé de faire trembler le monde une fois de plus. Nous connaissons tous son pouvoir. Et qui suis-je pour en vouloir à ceux qui rêvent de gloire, de pouvoir et de jeunesse éternelle ? Je me présente devant vous pour défendre les intérêts de mon peuple. Nous sommes accusés à tort d'être en possession de l'Ora. Ces rumeurs ont suffi à diriger la colère de Tour Noire contre nous. À l'heure où je vous parle, des mercenaires assiègent Anisville. Je demande la protection de l'Armée fédérée afin de faire face à cette menace qui, j'en suis persuadée, s'étendra au-delà de nos frontières.

Lorsque la voix de Cytise s'éteignit, l'étonnement, mais aussi la surprise, se lurent sur les visages des Sages. La reine entendait depuis sa place les chuchotements et les exclamations de l'assistance.

— Du calme, mes frères ! intervint Méric. Cytise, poursuivez.

— Nous ignorons comment, mais Haki possède une armée de plus de dix-mille soldats sans compter les bêtes. Les Fandragores ne peuvent pas affronter un tel déchainement. Le monde qu'on s'est acharné à bâtir ne sera plus que des ruines, les souvenirs amers d'une civilisation jadis florissante.

— « L'Ora est entre de bonnes mains. » N'est-ce pas ces mots qu'une reine d'Anisville a prononcés à cette même barre il y'a des siècles ? martela un Sage.

— Tout cela ne fait que confirmer une fois de plus votre incompétence et votre incapacité à la protéger ! se scandalisa un autre.

Méric entoura la salle du regard. Une main étaitlevée. 

Ofelia, la Fille Fleur. Tome1: Origines.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant