Chapitre 19: Séparation (Partie 4)

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[Capitale de Varda. Val Este.]

La nuit était froide et silencieuse. Un cheval trottait en direction de la capitale. Ryū recroquevillé tenait à peine sur le coursier. Il n'arrivait pas à mettre ses idées en place. Son instinct lui dictait de se rendre à Tour Noire, de tuer Syd et de ramener Ofelia. Il se sentait capable d'un tel exploit. Qui peut après tout vaincre Varus ?

Ses mains écorchées et rouges se posèrent sur son visage pâle. Et ce froid qui n'en finissait pas ! Lui, il pouvait le supporter, mais pas Ofelia, sa tendre, elle si sensible au froid. Ryū sentait son estomac se nouer rien qu'à la savoir avec Syd. Que faisait-elle ? Était-elle encore en vie ? Un bruit sourd retentit brusquement. Ryū venait de tomber de cheval. Son corps ne le tenait plus. Alertée par le bruit, une vieille dame quitta sa modeste demeure. En le retournant, elle découvrit un homme quasiment mort. Elle le traina jusqu'à sa maisonnette.

Les éternels flambeaux de Tour Noire se consumaient pendant ce temps à des milliers de kilomètres de là. Le temps semblait figé dans ce royaume où le jour ne se levait jamais. Le silence des couloirs du château n'était perturbé que par le passage des sentinelles.

Derrière une porte close, les paupières d'Ofelia s'allégèrent puis s'ouvrirent. Ses yeux s'habituèrent peu à peu à la faible lumière des chandelles. Elle se trouvait dans une pièce sans fenêtre. L'unique porte semblait verrouillée. Elle remarqua un jardin aménagé au fond de la pièce. Un soleil artificiel donnait de la lumière aux superbes fleurs, mais elles n'étaient rien devant la magnificence des Larmes d'Anis.

Ofelia toucha son visage et ses cheveux, ils étaient lavés, peignés et beaucoup plus courts. Son regard descendit le long de son corps. Elle portait une longue robe beige. Ofelia poussa un soupir de désespoir. Quelle était cette manie qu'avaient les gens à la changer pendant ses moments d'inconscience ? Elle avait de vagues souvenirs de l'incendie, mais tout restait encore confus pour elle.

Ofelia posa le pied à terre. Le sol était chaud. Un bruit métallique et lourd résonna. C'est à ce moment qu'elle réalisa la pression autour de sa cheville. Elle était retenue par une chaine. Un bruit de loquet se fit bientôt entendre. Ofelia regagna aussitôt le lit et se blottit sous la couverture. Son cœur pulsait si rapidement le sang vers sa tête qu'elle en ressentait des migraines.

Ses mains moites tordirent la couverture lorsque des pas lourds avancèrent vers elle. Elle ferma les yeux. Elle comprit au bout d'un instant que les pas s'étaient arrêtés. Surprise, elle ouvrit les yeux, mais elle n'eut pas le courage de baisser la couverture.

- Ofelia, je sais que tu ne dors pas.

Cette voix fit remonter ses pires angoisses. Ofelia baissa sa couverture et se retourna. Syd se tenait au milieu de la pièce. Il avait baissé sa capuche et laissait ses cheveux courts et noirs à découvert. Il portait plusieurs anneaux en argent sur chacune de ses oreilles. Ofelia vit ses yeux pour la première fois. Contre toute attente, ils étaient verts.

- Cela fait des semaines que tu dors. Les Fandragores sont des créatures fascinantes. On t'a maintenu en vie grâce à ce soleil artificiel. Le feu t'avait bien amoché.

- N'ai-je pas droit à une lumière digne de ce nom ? fit Ofelia avec sarcasme.

- La lumière du soleil est un luxe que Tour Noire ne peut pas s'offrir. J'ai longtemps cogité durant cette attente... Ofelia, que vais-je bien pouvoir faire de toi ?

Ofelia se rua sur Syd dans un geste d'agressivité, mais une barrière invisible semblait le protéger. Elle fut violemment repoussée contre le dossier du lit. Syd se précipita instinctivement vers elle, prêt à lui porter secours. Il se ressaisit à quelques pas d'elle et recula.

- Ryū te retrouvera ! vociféra Ofelia.

- Je n'en doute pas. Nous l'attendrons ensemble. Je te conseille d'ici là de t'accommoder à ta nouvelle vie, car il faudra des mois à ton brave chevalier pour venir ici. Il profitera du voyage pour découvrir le paysage de désolation et les créatures qui peuplent nos contrées. Quand il sera enfin là, nous pourrons mesurer son dégré d'amour pour toi.

Ofelia sursauta lorsque Syd se pencha vers elle. Aucune expression n'était visible sur le masque, mais son regard en disait long. La Fandragore y perçut des appels à l'aide. Syd arrangea les cheveux de la Fandragore sans la quitter des yeux.

- Libère-moi. Je ne suis pas ta chose, murmura froidement Ofelia.

- Repose-toi. Je passerai te voir dans la soirée.

Syd se redressa et quitta la pièce sous le regard ébahi d'Ofelia. La porte se referma et le mécanisme de verrouillage s'enclencha. Ofelia poussa un profond soupir. Son regard se posa sur la chaine et la lourde porte. C'en était trop, Ofelia fondit en larmes. Elle eut beau hurler de toutes ses forces, personne ne pouvait l'entendre ou lui venir en aide.

Elle se leva et elle se dirigea vers le jardin, accompagnée par un bruit métallique. Elle s'allongea au milieu des fleurs. Les yeux rivés vers le soleil artificiel, les larmes de la Fandragore s'écoulèrent en silence. Elle ressassait les souvenirs qu'elle avait de Ryū. Il lui manquait énormément. Où était-il ? Que faisait-il ? Était-il en vie ? Était-il à sa recherche ?

Ofelia, la Fille Fleur. Tome1: Origines.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant