Je suis décidé à confronter Livie ce matin. Hier soir, elle est partie en colère, en me balançant des conneries, sans me laisser le temps de comprendre. Elle m'a accusé de ne pas trouver son travail satisfaisant, et de coucher avec je ne sais qui, en bavant sur elle. Je n'ai rien pigé, mais elle, qui est si réservée, et qui hésite à parler, ne m'a pas laissé en placer une. Et lorsqu'elle est énervée, il n'y a aucune hésitation, aucun tic nerveux, ni bégaiement...
Je me rends donc à la bibliothèque, elle arrive toujours avant que la cloche ne sonne, mais la pièce est éteinte et verrouillée. Je n'aime pas ça ! Elle ne raterait pas un jour de travail pour une engueulade avec moi. Elle aime trop les élèves et son job. Ces derniers débarquent pour aller en cours, certains se placent devant la salle de Livie en me saluant. Je fonce voir Madame Blanc, la secrétaire, mais Livie n'a pas signalé son absence. Ce qui n'est pas son genre, d'après elle. Je me rends donc à la bibliothèque pour faire entrer les élèves et les gérer jusqu'à son arrivée. Ils s'installent en me posant des questions sur l'absence de Madame Carron. Je leur explique qu'elle a un contretemps, mais qu'elle va arriver. Je m'installe à sa place en appelant ma secrétaire pour avoir les coordonnées de Livie, et me rassurer un peu. La jeune femme ne répond pas au téléphone, je ne laisse pas de message, vu notre dernière conversation, je ne veux pas l'importuner. Les élèves défilent devant moi, insistant pour la voir. J'apprends pas mal de chose sur elle. Elle les aide dans toutes les matières, en plus de son travail de bibliothécaire et de médiatrice, elle fait aussi une sorte de tutorat avec eux. J'essaie de la remplacer, mais même si je n'ai aucun problème avec les cours, j'ai du mal à résoudre certains de leurs problèmes. J'entends certains élèves parler dans mon dos en disant que je ne la remplacerai jamais...
Elle apporte beaucoup à tous. Une élève laisse entendre que parfois, ils vont, le soir ou le samedi, chez elle pour qu'elle les aide. Elle ne se fait même pas payer ! Cette femme est surprenante !
Le soir arrive, son téléphone ne répond toujours pas, je suis de plus en plus soucieux, et s'il lui était arrivé quelque chose de grave ? Je vais aller la voir, mais elle ne répond pas lorsque je sonne. J'insiste en frappant, mais toujours rien. Alors je vais sonner chez Rachel, sa grand-mère, qui ne quitte plus son logement, ou rarement du moins. Mais elle n'est pas là non plus. Je reprends mon téléphone pour l'appeler, mais je tombe sur la messagerie directement. Je tourne en rond sans savoir quoi faire, lorsque j'aperçois Livie arriver dans le couloir. Son pas est traînant, ses épaules voûtées, ses cheveux sont dans tous les sens, comme si elle avait passé ses doigts dedans un nombre de fois incalculable. Je sens... Non, je sais, que les nouvelles sont mauvaises...
– Livie ?
Je l'appelle doucement, elle s'arrête et lorsqu'elle lève enfin son visage vers moi, je lis sur ses traits la détresse et la douleur qui la bouleverse. Elle se stoppe, laisse tomber son sac et reste immobile, les yeux dans les miens. Son maquillage a coulé, laissant des marques noires agglutinées sur ses joues, ses traits sont tirés et ses yeux bouffis d'avoir trop pleuré. Je n'ose pas lui demander ce qu'il se passe, mais lorsqu'elle se détourne pour regarder la porte de sa grand-mère, je sais...
Je vois ses épaules trembler, mais je ne sais pas quoi faire pour l'aider. Je suis un étranger, elle a besoin de ses amis. Je la connais assez pour savoir qu'elle ne veut pas que je la voie dans cet état. Je vois ses jambes flageoler, elle se retient au mur. Souffle un bon coup, avant de me murmurer :
– Je suis désolée... De ne pas... Vous avoir... Prévenu...
– Livie, où sont vos clés ?
Je la laisse se reprendre, tandis qu'elle me tend son trousseau sans un mot et sans me regarder. Ce n'est pas son genre de laisser quelqu'un rentrer dans son intimité, mais elle semble anéantie. J'ouvre la porte, elle me suit et va se placer devant la fenêtre en croisant les bras sur sa poitrine, comme pour se protéger. Je vais vers elle, mais lorsque je pose ma main sur son épaule, elle se dérobe et va ouvrir le petit meuble du salon. Elle sort deux petits verres, les remplit avec un liquide ambré. Peut-être du whisky ??? Elle prend le premier et l'avale cul-sec, avant de le reposer et de poser les mains à plat sur le meuble. Son corps entier est pris de tremblement, mais elle finit par se redresser et par se resservir un autre shot, qu'elle vide aussi sec. Je viens derrière elle, attendant toujours qu'elle me parle. Mais je sais que ce n'est pas son fort.
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Les frères Novac; tome 1 : Attirance
AléatoireLivie est bibliothécaire dans un lycée. Une nouvelle année commence mais le directeur remplaçant, va faire voler en éclat sa petite vie calme et bien ordonnée. Son passé lui a appris à être méfiante, à se cacher. Elle est complexée, et blessée. Parf...