Chapitre 6 : BENJAMIN

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 Je suis caché à écouter la conversation de Livie avec cette élève. Je suis entré sans qu'elles ne m'entendent, je devrais avoir honte de les épier. À l'instant, où j'ai perçu l'angoisse dans la voix de cette jeune fille, cela m'a profondément ému. Elle n'a pas confiance en l'infirmière, comme d'autres élèves, que j'ai entendu discuter par hasard, par-ci par-là...

Je passe régulièrement dans les couloirs ainsi qu'à la bibliothèque, et je vois et j'entends beaucoup de choses. Autant des élèves entre eux, que leurs échanges avec Livie. Je sais que ses collègues n'apprécient pas la jeune femme, mais ils ne la connaissent pas. Il faut dire qu'elle fait tout pour que ça reste comme ça. Il m'a été donné de constater que l'infirmière et plusieurs enseignants la dévisageaient et discutaient à son sujet. Lorsqu'elle est devenue médiatrice, l'animosité s'est faite sentir, mais je savais qu'elle était faite pour ce travail. Et elle le fait avec brio...

Elle a une pédagogie et un instinct qui ne la trahissent pas. Elle aime s'occuper de ses élèves, même si elle n'est pas douée pour prendre soin d'elle, d'après Rachel, sa grand-mère. Elle est douce et empathique. Livie donne des réponses claires et pleines de bon sens à la gamine. Sa gentillesse et sa douceur sont appréciées par Jeanne. Sa proposition, de l'accompagner au planning familial après ses heures de travail, m'interloque quelque peu. Elle s'investit énormément, plus que beaucoup de professeurs, qui ont un salaire bien plus élevé...

Je quitte la pièce, pour ne pas être repéré, cette gamine ne s'en remettrait pas, et je ne veux pas que notre médiatrice perde la confiance de ses élèves. Je reviens dans mon bureau, finir mon travail jusqu'à ce que ce soit l'heure de partir. Mais je croise Madame Thivet, l'infirmière, à mon grand désarroi...

– Monsieur Novac, quelle bonne surprise ! S'exclame-t-elle.

– Madame Thivet, bonsoir.

Il est l'heure de partir et j'ai envie de rentrer chez moi. Elle a quitté sa blouse et sa robe la moule un peu trop pour travailler avec des adolescents. C'est une très belle femme, mais je ne suis pas intéressé, je ne veux pas de relation au travail. Même si lorsque je regarde Livie, je ressens une attraction particulière. Je n'ai jamais éprouvé de désir pour une femme avec laquelle je travaille. Cela complique trop les choses, ensuite, si ça ne fonctionne pas. Je ne dois plus lui prêter assez d'attentions, parce qu'elle pose la main sur mon bras en m'appelant et en riant faussement.

– Monsieur le Directeur ? Vous êtes avec moi ?

– Oh ! Oui, pardon ! Je dois y aller, excusez-moi.

Sa main reste accrochée à moi, et je n'ose pas me dégager. Elle me propose en minaudant :

– Peut-être que nous pourrions aller boire un verre, Benjamin ?

Un mouvement à la périphérie de mon regard m'empêche de répliquer, Livie vient dans notre direction, nous jette un coup d'œil rapide et fuyant, avant de regarder ailleurs, visiblement embarrassée. Je lève les yeux vers l'infirmière, qui est plus proche encore que je le pensais. Livie passe devant nous sans parler, j'en profite pour me décaler, tandis que Madame Thivet lui lance :

– Bonsoir, Livie ! Nous vous aurions bien invités à vous joindre à nous, mais nous avons des sujets trop... Personnels à aborder.

La documentaliste ne réagit pas et continue sa route, habituée aux remarques désagréables de sa collègue. Merde ! Elle va croire que je couche avec elle...

Le lendemain, j'ai rendez-vous avec les parents d'une nouvelle élève. Arrivée après la rentrée n'est jamais facile, mais je fais tout pour faciliter la transition dans ces cas-là. La petite s'appelle Charline Patelle, elle rentre en sixième, elle arrive d'un collège à environ trente kilomètres d'ici. Son père a ouvert une école de danse dans le coin, alors ils ont déménagé. Je ne vois pas de renseignements sur la mère. Madame Blanc, ma secrétaire m'annonce leur arrivée, et me voilà dans le bain de bon matin, alors que j'ai encore mal à la tête de ce que j'ai bu hier soir avec mes potes. Nous sommes tous sortis et avons fait la tournée des bars, cela faisait longtemps que ça ne nous était pas arrivé, mais Céd, mon meilleur pote, m'a annoncé qu'il allait se marier et nous avons donc prolongé la soirée. Je suis plutôt de mauvaise humeur les lendemains de bringue. L'alcool me rend ronchon...





Les frères Novac; tome 1 : AttiranceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant