Australian Crush

Chapitre 31

Curtis ne rentrera pas ce soir. C'est la première fois qu'il reste seul à l'extérieur du ranch, et sans donner aucune explication. Cette nouvelle routine perturbe mes habitudes, et celle de Jane aussi. Elle n'a pas abordé le sujet, et vu son attitude, je devine qu'elle est aussi perplexe que moi. Je sais uniquement qu'il passe ses nuits avec les troupeaux, laissant le ranch un peu plus vide et silencieux qu'à l'accoutumée. Pourtant, chaque matin, il est fidèle au poste pour participer à la tournée des tâches. Pas de changement dans son attitude, toujours peu loquace, mais il tient son engagement pour les leçons particulières d'équitation. C'est déjà une bonne chose, l'animosité qui perdure depuis des semaines s'est enfin apaisée. Je me sens à ma place, et surtout, Curtis ne remet plus en doute mon travail et ne passe plus derrière moi une dizaine de fois pour vérifier que mes tâches soient bien faites.

Il y a du progrès. Peut être pas autant que j'espérais, mais le cowboy a l'air de se détendre.

Déjà le milieu de semaine, et les températures montent progressivement. Je me lève avant l'aube, un mélange d'anticipation et de nervosité dans le ventre. Le soleil est à peine levé lorsqu'il arrive, son regard déterminé, mais avec une lueur dans les yeux que je n'arrive pas à déchiffrer. Je sens la distance physique entre nous se réduire imperceptiblement alors qu'il m'aide à nettoyer les écuries. Et c'est encore pire pendant notre cours d'équitation. Ses mains sont fermes mais délicates alors qu'il m'aide à ajuster les étriers. Il ne dit rien, mais son silence en dit long. Je me surprends à attendre ses gestes sur moi, à les susciter presque. Il est clair que notre accord de ne pas répéter l'expérience est plus difficile à respecter qu'à formuler.

— Tu es trop tendue, dit-il en posant ses mains sur mes épaules, massant doucement pour me détendre après avoir monté Ivory.

Le contact est électrisant, et je lutte pour maintenir mon calme.

— Peut-être que tu es le problème, dis-je en essayant de briser la tension.
    — Je pense que tu me surestimes, murmure-t-il avant de s'éloigner.
— Tu es sûre que tu vas bien ?
— Tout est sous contrôle, Collins.
— Je vois, dis-je à voix basse. Tellement sous contrôle que tu dois t'enfuir la nuit.
— Quoi ?

Curtis se rapproche, et enlève la longe d'Ivory pour la mettre dans son box, pendant que je m'assieds sur le rebord du plan de travail de la pharmacie.

— Rien, boss. C'est juste que le ranch est ... calme, sans toi.

Je pouffe de rire en me rendant compte que je suis presque en train de lui avouer que le cowboy froid et grincheux me manque. L'organisation et les tâches sont maintenant une affaire qui roule, je profite un peu plus de mes journées, surtout depuis que j'apprends à monter à cheval. Il ne répond rien, mais me regarde en crispant la mâchoire, comme pour s'empêcher de répondre.

— Tu sors encore ce soir ?
— Pourquoi cette question ? Ça se passe mieux comme ça, non ?
— Si tu le dis ...

Il claque la porte du box de la jument, et s'approche vers moi, ses mains posées sur le rebord du grand bureau en bois, son visage à quelques centimètres du mien. Je ne baisse pas les yeux et fixent ses iris noisettes en remarquant des éclats verts tout autour. Il mord sa lèvre inférieure, et l'odeur de cuir et de son parfum remplit mes poumons. Je me retiens d'avancer pour me coller contre son torse. Depuis la dernière fois, je me sens plus apaisée et étrangement en sécurité avec lui. Malgré les dernières semaines compliquées, j'ai envie de repartir du bon pied avec Curtis. Le souffle chaud du cowboy sur les lèvres me renvoie directement à l'arrière de son pick up il y a quelques jours. Je sers les jambes imperceptiblement, et tente de contrôler ma respiration et mon cœur qui s'emballent.