Chapitre 41 Héna

65 3 0
                                    

Une fois arrivée au pas de l'escalier, je regarde ma porte de chambre encore légèrement ouverte. J'avance à pas de loup sur le pallier, revenir d'un endroit où on se sent bien après une lourde dispute peut avoir un effet yoyo sur le présent. Ma valise suivant mes pas, je pousse la porte et j'ai un sursaut en découvrant les fleurs dont mon père m'avait parlé. Il m'a vraiment laissé ces jolies fleurs...

Il était parti, et je n'ai pas eu le courage de lui dire au revoir. J'ai préféré fuir, pourquoi suis-je comme ça ? Pourquoi dois-je prendre peur à chaque fois qu'une personne suffisamment bien se préoccupe de moi ? Pourquoi l'ignore-je ? Je suis injuste envers lui, et envers moi-même. Je ne trouve jamais la force et le courage de m'ouvrir au gens, même si l'envie me ronge.

Je m'avance près de ce joli, les larmes au rendez-vous. J'effleure du bout de doigts ce bouquet qu'il m'a laissé. Je prends une des fleurs et l'admire. De belles tulipes, je respire la campagne et les champs. Des tulipes, comme un de mes tatouages, tracé d'un seul trait. Un de ces rares tatouages qui n'a pas de signification.

Je m'assois à mon bureau face à ce mélange d'oranges, de jaune et de rose. Sans réfléchir à la conséquence que pourrait avoir mon message, je photographie le bouquet et clique sur la conversation d'Elio. J'hésite à ajouter un message avec l'envoi de la photo. Peut-être un " merci, elles sont très jolies" ou un "désolée d'avoir loupé ton départ, merci pour ces tulipes". Je décide finalement de lui écrire, un "merci...Elles m'aideront peut-être à combler ton absence dans cette maison." Une fois le message envoyé, je laisse mon téléphone en sonnerie puis je me dirige vers ma valise pour la vider. Il faut que mon cerveau enregistre que je suis de nouveau ici, et loin de ma grand-mère. Je connecte mes écouteurs et lance ma playlist.

Mon téléphone n'a pas émis de vibration ni de sonnerie. Ma valise est rangée, je n'ai pas mieux à faire que d'aller vérifier s'il avait vu mon message."vu il y a 15 min". Sérieux ? Il fallait s'en douter ! Il n'a pas voulu réagir. A quoi je m'attendais ? Je l'ai ignoré pendant deux semaines après l'avoir planté ici, et je pensais sincèrement qu'il allait accepter que je me pose comme ça tel un cheveu sur la soupe pour me faire pardonner. Je l'ai laissé tomber alors qu'il a essayé de me faire sourire quand je n'avais plus la motivation de me lever de mon lit. Quelle idiote ! T'es juste toxique ma pauvre.

Il est 22h, mes affaires pour demain sont prêtes. J'ai pris soin de moi en faisant toute sorte de masque pour les cheveux, les mains et même les pieds, pour tenter d'oublier que demain je retourne en cours. J'ai embrassé mes parents il y a une petite heure, comme si j'allais trouver le sommeil aussi facilement la veille d'une rentrée.

Suivre le troupeau mais se faire remarquer avec une moyenne collé sur notre visage, c'est ce qu'on nous demande chaque jour au lycée. On entend toujours dans la bouche des autres générations qu'on est juste des fainéants. Mais c'est si faux, on est juste des adolescents qui survivent pendant des semaines face au système scolaire, en espérant voir les jours passées plus vite pour être en vacances et laisser tomber ce masque. Alors oui, j'ai cette boule au ventre qui me dit que je vais devoir supporter ceux qui autrefois étaient mes amis. Je devrais passer dans ces couloirs ignorant leurs insultes. Et le soir même il faudra tout oublier pour se lever le lendemain matin. Le seul moyen que j'ai trouvé pour ne pas penser à ça c'est de scroller sur tik tok et me couper du monde, je sais que je finirais par tomber de fatigue. Alors pour le moment j'écoute d'autres gens raconter leurs vies, pour oublier la mienne.

Le soleil réchauffe ma peau alors que l'atmosphère reste encore fraîche. Les écouteurs connectés à mon téléphone, et la musique en route j'attend mon bus. Le réveil m'a légèrement troublé ce matin, je me pensais encore en vacances et la nuit a été courte. Mais bon au moins je dormirais mieux ce soir, du moins je l'espère.

Nous deux à travers la véritéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant