Chapitre 8

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Note de l'auteur : par précaution, je vous préviens que Gabriel va avoir un vocabulaire péjoratif quant à SON homosexualité. Ne faisant pas partie de la communauté LGBT, je ne me rend pas bien compte si cela peut être offensant. Si ça l'est, merci de m'en informer et je modifierais immédiatement !
+ une autre note à la fin pour avoir un avis !

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Cette décision est anti démocratique au possible. Le vendredi soir, la France s'enflamme ; l'épisode amoureux de Bardella et Attal permet probablement de réduire drastiquement les dégâts, mais ils sont là. Des manifestations s'étendent sur tout le territoire. Des groupuscules d'extrême droite appellent à l'assassinat de Gabriel Attal sans même prendre le soin d'être discret. Bardella est aussi visé par des menaces d'assassinat venant de groupes antifa d'extrême gauche.
Jean-Luc Mélenchon hurle sur tous les plateaux TV possibles, on ne l'avait jamais entendu parler aussi fort. Philippe Poutou, lui, propose qu'on remette la guillotine au goût du jour (mais ses paroles laissent sous entendre qu'il ne la destine pas aux deux jeunes hommes dupés). « Porcherie » de Bérurier Noir est diffusé partout dans les manifestations, et la gauche s'évertue à hurler que « la jeunesse emmerde le Front National » et « tous les nazis ».

La majorité de la sphère politique — celle qui n'était pas au courant, du moins — comprend que cette fourberie ne vient pas de l'esprit de Jordan et Gabriel, qui n'en sont que des victimes collatérales. Rares sont les personnalités qui les accusent directement. Si certains parviennent à relativiser en disant que ça évitera une hégémonie à l'extrême droite, tous s'y opposent néanmoins en appelant au barrage.

« Tu étais dans le coup depuis le début, fils de pute » lui écrit Bardella quelques minutes seulement après l'annonce. Gabriel essaie de l'appeler en vain, mais Jordan ne répond pas de la soirée, pas non plus le lendemain. Le premier ministre pense qu'il a déjà dû l'appeler cent fois, en tout cas assez pour avoir saturé sa messagerie vocale. Pour Attal, la situation est plus facile à encaisser : il sait bien que cette manigance n'avait pas pu être organisée en collaboration avec le Rassemblement National car il n'était pas dans leur intérêt de faire cohabiter deux premiers ministres. Gabriel n'a donc aucun doute à avoir concernant l'implication de Jordan dans cette fourberie. Mais qu'en est il de lui ? Jordan a toutes les raisons du monde de croire qu'il en fait partie. Et au vu de son ignorance, il en est persuadé. Ça blesse profondément Gabriel car il pensait que Bardella avait confiance en lui humainement et le considérait davantage.

Gabriel reste seul et sans nouvelle jusqu'au dimanche. Il est assis par terre dans son bureau de Matignon, la tête face à la porte d'entrée, les jambes étendues devant lui, quand le cliquetis de la serrure se fait entendre. Jordan.
Bardella entre dans la pièce avec deux gros sacs de voyage qui lui pendent à chaque bras. Sa mine paraît déterrée et il est habillé entièrement en noir. Jordan ne le calcule même pas, balance ses sacs, et s'affale dans le canapé. Gabriel le fixe, éberlué, sans savoir quoi dire ni faire.

- Je ne suis pas dans le coup. J'ai été mis au courant en même temps que toi.
- La ferme, répond Jordan du tac au tac, sans même lui jeter un regard.

« Il est vraiment fermé à la discussion », se dit Gabriel.

- Je te promets que je n'ai jamais été dans la manigance. Je compte démissionner après les résultats, de toute façon. Je ne peux pas accepter un acte aussi peu démocratique.
- Ferme ta gueule, Gabriel.

Le ton du chef du Rassemblement National est implacable et terriblement autoritaire. Gabriel sent son estomac se serrer, et il a envie de rendre son déjeuner.

- Si tu démissionnes, je perds ma place de premier ministre. Le but est de m'humilier, Attal, tu comprends ? On m'impose la tutelle avec toi, et on ne me la laissera avec personne d'autre. Sans toi, je ne serais pas premier ministre, on s'arrangera pour truquer les élections, ou me tuer, ou me mettre en prison... Je passe pour ta pute devant toute la France. Alors, au moins, ne m'enlève pas l'once de plaisir d'occuper ce poste.

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