Chapitre 16

3.4K 162 207
                                    

Jordan prolonge l'étreinte, et si Camille pense qu'il a terriblement besoin de réconfort, lui utilise cela comme un prétexte pour parvenir à ravaler des larmes qu'il ne peut plus accepter. Comme une pyramide qui ne peut pas se construire pas en un jour, on ne change pas un homme borné dans sa conception de la vie et de la masculinité en une journée. En moins de 24h, il a davantage pleuré que ces 5 dernières années, et ça commence à être intolérable pour son estime de lui-même — qui, bien qu'abimée, n'en perd pas sa démesure —, alors Bardella tente de renifler discrètement et s'ordonne intérieurement d'arrêter de « pleurer comme une gonzesse, bordel ». Quand il se détache du petit corps de la brune, elle remarque probablement que ses yeux subsistent brillants, mais Camille lui fait le plaisir de n'en faire aucune remarque.

- Jordan, même après tout ça, sache que je serai éternellement du côté de Gabriel., tient à préciser la jeune femme. Je ne vais pas interférer dans votre relation en plaidant ta cause corps et âme et je respecterai toujours ses choix à lui. C'est à toi de le convaincre, pas à moi.

Bardella hoche la tête. Il ne s'attendait évidemment pas à ce que lui et Camille deviennent les meilleurs amis du monde, et cela ne fait même pas partie de ses envies.

- Je te préviens aussi que je ne lui dirais jamais rien de tout ce que tu viens de me dire. Ni à lui, ni à personne.

Voilà quelque chose qui surprend Jordan.

- Qu'est ce qui te motiverait à garder ce secret alors que tu peux m'anéantir, que ce soit auprès de Gabriel, mais aussi auprès de la France entière ?

La jeune femme lui décoche un crochet — une pichenette, pour Jordan — dans le bras en souriant.

- Bon sang, arrête d'être si calculateur, c'est dingue ! Je ne dirais rien car c'est à toi de le dire. C'est à toi d'assumer. On ne dévoile pas la sexualité de quelqu'un d'autre, c'est à la personne de s'en charger, Bardella. Ça fait partie des principes qu'il va falloir que tu apprennes.

Le premier ministre n'est pas certain de très bien comprendre les enjeux relatifs à laisser quelqu'un dévoiler sa sexualité ou le faire pour lui. Il n'aime pas non plus la façon dont elle tourne ses mots car elle sous entend qu'il a choisi sa sexualité, or Bardella persiste à penser que ce sont les femmes qu'il aime, et que Gabriel est juste l'exception qui confirme cette si bonne règle. Une exception si énorme qu'elle lui fait oublier de se retourner sur les jolies femmes, certes. Sans Gabriel, Jordan est absolument certain qu'il aurait jeter son dévolu sur Camille ; pourtant, depuis qu'il la connaît, elle lui est complètement indifférente. Une belle femme, oui, mais qui ne suscite aucun intérêt chez Bardella. Il se fout d'elle et sa forte poitrine comme de sa première brosse à dents, c'est pour dire.

- Je pensais que ce serait plus simple si c'était toi qui lui disait, finit-il par avouer en haussant les épaules.
- Bardella, t'as 16 ans ou quoi ? rétorque-t-elle en pouffant. Tu veux m'envoyer demander à Gabriel s'il veut sortir avec toi, et je dois te rapporter sa réponse, tant qu'on y est ?
- Je ne t'ai pas demandé d'aller lui dire ça. Je n'ai pas dit que je voulais sortir avec lui non plus.

Jordan tique quand il prononce le mot « sortir » et se sent horriblement mal à l'aise quant à cette tournure. C'est trop pour lui en si peu de temps, lui qui n'est pas encore au quart d'avoir avalé la pilule quant à ses envies et ressentis.

- Menteur. Tu l'aimes.

Bardella ferme les yeux sous le coup de massue qu'il reçoit en entendant les mots de Camille. Son être entier hurle sous cette douleur destructrice qui jaillit en lui. « Tu l'aimes » a-t-elle dit, et ça l'écœure profondément.

- Non.

Le jeune homme répond malgré lui, sous l'impulsion de ses valeurs totalement opposées à cette idée. Ses pensées s'embrouillent et la répulsion lui donne envie de tout abandonner, encore. Menacer Camille de ne jamais rien avouer sous peine qu'elle se retrouve dans un caniveau, puis reprendre sa vie en ignorant Gabriel... mais ce n'est pas possible. Jordan a bien compris qu'il n'était plus en mesure d'ignorer Attal. Quant à Camille, elle se débattrait comme une diablesse, et cela lui rapporterait bien des ennuis – des ennuis qu'il ne peut s'empêcher d'estimer moins graves que ceux qui lui tombent dessus actuellement, à savoir les sentiments qu'il associe à son collègue premier ministre –.

Valse PolitiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant