Chapitre 27

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C'est l'entièreté de leur relation qui s'affiche à l'écran. L'entièreté de leur relation, réduite à des clips de quelques secondes accolés les uns aux autres ;  la chronologie n'est pas totalement respectée, elle sert des fins pernicieuses qui ont un seul but : leur ruine. Leur humiliation la plus totale.

La première image les montre de profil vus d'en haut, ils se font face, mais Bardella paraît roder comme un prédateur autour d'Attal. Les deux ont du mal à se rappeler de quand cela peut-il bien dater, jusqu'au moment où le son se déclenche. « Je t'ai demandé quelque chose, Gabriel. Vrai ou faux ? », et voilà, ils remettent ce moment : c'est avec horreur qu'ils regardent cette scène prise d'en haut. Celle qui suit leur paraît impertinente, puis finalement, le son parle de lui-même. Simple vidéosurveillance du couloir où l'on voit la porte de chambre de Gabriel, mais il y a le son. Cet horrible son, qui ne laisse aucun doute sur ce à quoi ils s'adonnaient. 

Attal s'agite comme un fou pour s'emparer de la télécommande et arrêter ce calvaire, mais Jordan la lui arrache des mains, et il leur inflige le reste de cette terrible diffusion. Après le calvaire du couloir, un rapide clip d'un commerce attaqué par des manifestants est montré. Ce qui suit est une attaque directe à Jordan, car l'extrait le montre encore pris de haut, en train de se laisser lamentablement tomber sur les fesses : « Je suis désolé » entend-on légèrement, et si on ne voit pas ses larmes, son visage est assez éloquent pour savoir qu'il pleure. C'est entrecoupé par une nouvelle image, cette fois-ci de l'hôpital lyonnais ravagé par le feu. Puis, ce couloir, et ce son, ce foutu son. Leurs gémissements paraissent avoir été ajustés pour être particulièrement nets, ce qui en fait un véritable supplice à écouter. 

« Tu es persuadé que je te prends sans cesse par les sentiments alors que ce sont les miens qui me mènent à la baguette avec toi.» entendent-ils résonner par les haut-parleurs du téléviseur, alors qu'ils voient la projection d'eux-mêmes sur l'écran. Ce qui suit est terrible : Gabriel à genoux, Bardella les doigts sur la braguette, mais l'image est coupée bien avant l'excès de colère d'Attal. Nouveau flash de l'actualité qui relève de la même intensité d'horreur, puisqu'on y voit des manifestants armés en train d'attaquer les forces de l'ordre. Ce n'est pas la police qui gagne la bagarre. Puis...

L'horreur absolue. L'espace de trois minuscules secondes, l'image de leur lit, prise d'en haut. 

On y voit les garçons paisiblement endormis, le bras de Jordan semblant tenir fermement le ventre de Gabriel. Suivi par ces gémissements terribles sur le couloir calme, et rebelotte, cette fois-ci c'est un centre ville – Bardella croit reconnaître Perpignan, mais il n'en est pas certain – à feu et à sang avec des corps au sol et des gens qui courent dans tous les sens. 

Cela continue une bonne minute pendant laquelle les deux hommes découvrent une version de leur histoire d'amour qu'ils ne connaissaient pas, une version où on les dépeint horriblement, en associant leur relation au chaos de la France. En guise de clap de fin, un montage minable de trois scènes accolées, les trois défilent les unes après les autres plusieurs fois : c'est d'abord Gabriel et Jordan qui se bécotent sur le canapé, presque avachis l'un sur l'autre, et cela rend l'acte si sexuel que la fameuse personne qui a réalisé ça a eu la bonne idée d'ajouter le fameux son. La seconde qui suit, on voit l'état de Paris, la capitale étant à feu et des gens s'affrontant avec des armes improvisées. La troisième, on les voit l'un en face de l'autre, l'air grave :

« - On part.

- On part... » 

La suite, à savoir : « Gabriel, c'est trop tard » est coupée au montage pour rester dans cette ligne directrice pernicieuse pour les anéantir. L'écran devient noir, mais des lettres blanches s'affichent.

Valse PolitiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant