Chapitre 35

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Quand il referme la porte derrière Bardella, Sébastien reste l'oreille collée contre celle-ci. Le trentenaire ne croit pas à ces foutaises d'amour fou, alors il a besoin de savoir ce qui va se dire dans cette pièce paisible. Ce n'est pas correct, cela relève presque du voyeurisme macroniste, mais comprenez-bien : Delogu a besoin de savoir. Surtout, il veut comprendre... et il comprend.

Le Marseillais comprend surtout qu'il a eu tort sur toute la ligne. Lui n'a jamais cru à leur attirance remarquable durant leurs débats, qu'il considérait comme un ignoble coup de communication, mais Sébastien n'a pas non plus cru Faure et Tondelier quand les deux sont revenus en balançant, la mine dure : « Il y a un problème. Les deux se sont vraiment amourachés l'un de l'autre ». C'était le seul à ne pas y croire et à balayer la certitude des deux ministres avec autant d'assurance : pour lui, cela constituait un nouveau coup de communication. Le clip de propagande, là, il ne pouvait que trop rien dire. Les gémissements étaient éloquents, et un supplice à entendre. Toutefois, l'insoumis s'est mis à se dire que Jordan abusait des sentiments de Gabriel et profitait de lui pour assouvir des pulsions sexuelles malsaines. L'extrait d'Attal à genoux ne confirmait que cette pensée. 

Quand il a rencontré Gabriel, Delogu a été forcé de constater la fougue qui s'éprenait de lui lorsqu'il parlait de Jordan et exigeait de le revoir... Alors le brun a commencé à se dire que, peut-être que, oui, finalement... Peut-être que Gabriel était tombé amoureux sous une ruse de l'autre vautour... Mais comment ? Comment ce diablotin de Bardella s'y était pris, comment était-ce possible ? Sébastien, de par ses convictions politiques et ses valeurs morales, ne voyait Jordan qu'à travers le prisme de son appartenance à l'extrême droite. Pour lui, ce n'était qu'un sale type, vide intellectuellement, érigé en leader car il fallait avouer que c'était un bel homme doté de charisme et d'éloquence. 

Pourtant, ce qu'il entend à ce moment semble lui donner une descente d'organes. Au début, Delogu se dit que c'est encore un mensonge de Jordan, qui continue à malmener ce pauvre Gabriel. Puis... Sébastien entend ce qui ébranle tout ce qu'il pensait jusque là :

- Je t'aime, finit-il par dire d'un ton étranglé, avant de répéter plus clairement : Je t'aime, Gabriel. Je suis fou amoureux de toi. Je t'aime de tout mon coeur et éternellement.

Ses yeux s'écarquillent instantanément, et un vilain tic de langage lui échappe des lèvres. Delogu est sur le cul. Ce qui suit achève de le surprendre. À mesure qu'il entend la déclaration de Bardella, un sourire s'impose sur ses lèvres : peut-être l'autre fou ingrat n'est pas un si mauvais bougre, à condition qu'on écarte ses idéologies nauséabondes. 

- Bah couillon, c'était vrai alors, il marmonne.

Le trentenaire retire son oreille de la porte en tâchant de ne faire aucun bruit, puisqu'il ne manquerait plus qu'on le prenne pour une commère. Pire, une commère du couple qui a embrasé la France ! Disgrâce éternelle si quelqu'un savait qu'il avait joué à la petite souris qui écoute aux portes. Il s'éloigne tranquillement, et s'adosse au mur qui fait face à l'entrée.

Intérieurement, Sébastien se sent bien heureux de ne plus avoir accès aux réseaux sociaux, sans quoi il est sûr d'une chose : il n'aurait pu s'empêcher d'aller fanfaronner sur son canal Instagram pour dire qu'il détenait le scoop de l'année. Peut-être même se serait-il pris en photo devant la porte pour laisser planer un mystère qui aurait affolé ses suiveurs. Le brun divague un peu dans ses pensées, cependant il remarque ce silence curieux et entame de chantonner... jusqu'au moment où il entend le premier gémissement. D'abord, Delogu se dit que quelqu'un, en bas, rediffuse le clip de propagande. Puis très vite, quand ils s'intensifient, il réalise que les gémissements sont bien trop proches de lui.

« Je rêve ! » geint-il dans son for intérieur, un sourire nerveux sur les lèvres, mais l'esprit terriblement gêné, « Ça baise, là ! ».

Delogu entreprend de s'éloigner bien vite de cette porte et arpente le couloir. À ses dépens, l'insoumis apprend qu'une des particularités du Chateau de Malmaison, c'est sa très mauvaise isolation sonore. Les râles de Gabriel se répandent comme une mélodie dans le couloir. Ils l'envahissent et ricochent contre les murs, comme des échos. Sébastien n'a rien pour se boucher les oreilles, et il a promis de ne pas bouger d'ici afin qu'il n'arrive rien aux deux, ni qu'ils ne s'enfuient. 

Valse PolitiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant