Chapitre 12

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Ils sont attendus pour 11h à Saint-Germain-en-Laye afin d'inaugurer une nouvelle infrastructure prévue pour les JO, mais Gabriel est réveillé par son alarme à 5h30. La sonnerie désagréable l'extirpe d'un rêve excessivement plaisant dans lequel Jordan ne l'avait pas repoussé ce soir là. Attal se lève du lit plein de gêne, comme si quelqu'un allait découvrir son rêve, alors qu'il compte bien l'emporter dans sa tombe. Le jeune homme reste au radar pendant plusieurs minutes et il se prépare machinalement, son esprit traînant encore au lit. Gabriel s'en va prendre son petit déjeuner sur son balcon, appréciant la fraîcheur qui le réveille progressivement. L'aube parisienne est calme, il n'entend que peu de bruits et il savoure ces instants paisibles qui lui sont rares depuis son entrée en politique.

Quand il attrape enfin son téléphone, il est 6h13, et c'est avec peine qu'il constate que Jordan n'a toujours pas donné signe de vie. Gabriel veut bien qu'il soit absolument chamboulé par la valse de leurs bouches, m'enfin, quand même... voilà plus de 24h qu'il ne s'est pas manifesté. Si Attal est tenté de l'harceler d'appels afin de le secouer – voire même de l'énerver, au moins, Jordan se retrouverait dans sa zone de confort –, il décide de laisser encore passer un peu de temps. Après tout, il est encore très tôt, et leur présence n'est requise que pour la fin de matinée.

Gabriel se rend compte que se lever si tôt n'était pas la meilleure des idées. Le voilà seule face à lui-même, et rien ne peut l'occuper, alors ses pensées divaguent vers un sujet qu'il ne connait que trop bien puisqu'il le ressasse sans cesse... Jordan. Gabriel est obsédé par ces lèvres fines, brutales et cruelles qui ont malmené sa bouche l'espace de quelques secondes. Des secondes minces, mais qui leur ont pourtant paru durer une éternité. Il revoit le reflet de la lune sur le corps à moitié nu de Bardella, ces ombres nocturnes qui ondulaient sur sa peau diaphane et laissaient apparaitre des endroits qui semblaient interdits au regard de Gabriel. Plus le jeune homme s'enfonce dans ces pensées dangereuses, et plus il sent une chaleur familière se répandre dans son ventre. Le juste mot serait qu'il ressent des papillons – pire, des feux d'artifices – s'établir en son sein, mais il refuse de se l'avouer.

Et puis, cette phrase "Parce que je ne peux pas. Parce que ce n'est pas... normal". Gabriel l'entend encore résonner dans son crâne. Si c'était normal, alors est-ce que Jordan pourrait ? Pourrait quoi, d'ailleurs ? Qu'est ce qu'il ne pouvait pas ? Laisser Gabriel explorer son corps ? Continuer à l'embrasser jusqu'au bout de la nuit ? Accepter ce qu'il venait de se passer, et surtout accepter que son corps avait réagi au garde à vous ? Attal est troublé, horriblement troublé, mais surtout il reste méchamment sur sa faim.

Une faim insatiable dont Jordan est le seul déclencheur, mais aussi le seul inhibiteur.

Gabriel fourre ses AirPods dans ses oreilles en espérant que la musique saura l'apaiser, mais sa playlist aléatoire décide de lancer une musique qui lui rappelle foutrement Jordan, « Heal Tomorrow » de Naive New Beaters.

Le jeune homme exhale la fumée d'une énième cigarette et la regarde s'évaporer dans l'air frais matinal. Son esprit subsiste agité par Jordan, une agitation décuplée par son absence. Une absence et une ignorance probablement voulue, selon Gabriel... Le premier ministre pense que Bardella veut lui faire payer cette épisode nocturne. N'importe quelle personne normale, à l'image de Gabriel, serait assez lucide pour constater que si Bardella veut faire payer à quelqu'un cette embrassade enflammée, c'est envers sa propre personne qu'il devrait se retourner. Mais Jordan n'est pas un homme normal. Il est maniaque, imbu de sa personne, impulsif... détraqué. Comme le chante si bien Edith Piaf, « c'est un homme terrible ». Pourtant, son comportement s'était rudement amélioré ces derniers temps, car Gabriel tendait à penser qu'il commençait à l'apprivoiser. Jordan s'était montré plus doux, plus compréhensif, moins excessif. Mais cette réaction laisse croire qu'Attal s'était mépris, car peut-il avoir plus excessif que décider d'ignorer une personne qu'on a follement embrassé de son propre chef ?

Valse PolitiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant