Chapitre 20

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Gabriel disparait vers le balcon d'un pas presque chancelant, ce qui laisse Camille et Jordan seuls, les deux se faisant face. Le second ne peut s'empêcher de fixer Camille avec un bref haussement de sourcil arrogant, l'air de dire : « Alors, la bécasse ? ».

- Je te tiens à l'oeil, toi., le menace la jeune femme, mais sa voix reste fluette comme à son habitude. Au moindre faux pas...

- Je sais, la coupe Bardella. J'ai compris, change de disque, celui-ci est rayé.

Les deux se toisent pour le principe, histoire de se dire qu'ils ont réagi quant aux provocations de l'autre, mais l'animosité qui les habitait l'un envers l'autre tend à se dissiper. Ils commencent, malgré eux, à s'apprécier. Jordan fait ce triste constat avec scepticisme, mais pourtant, les faits sont là : Camille l'agace encore et elle l'agacera probablement éternellement, mais il n'a plus envie de lui jeter une table à la figure, comme cela a été le cas fut un temps. Pire, il ressent une certaine fierté quand il la surprend à les couver du regard, lui et Gabriel.

- En vous voyant arriver avec vos têtes de cons pris en flagrant délit, j'ai oublié ce que je voulais vous montrer ! s'exclame Camille après quelques instants de silence, avant d'ajouter : On attend que Gaby soit revenu.

Bardella est persuadé que Gabriel a fumé plusieurs cigarettes plutôt qu'une seule, d'abord du fait qu'il a dû s'éclipser une quinzaine de minutes, mais aussi parce qu'il empeste le tabac froid lorsqu'il revient. Camille elle-même plisse le nez quand le jeune homme les rejoint au bureau.

- Ma douce Camille, nous t'écoutons ? la taraude Jordan.

Nul besoin de mot pour la douce, elle se contente de dégainer son portable, pianote quelques touches, puis le tend vers eux. Les images sautent aux yeux de Bardella puisqu'il a vécu ce moment. La première est prise dans un angle qui permet de voir leurs deux profils : Camille est debout, perchée sur ses hauts talons, et le méprise du regard, tandis que lui est encore assis sur les marches de Matignon et l'observe avec un drôle de regard. La seconde est prise à la volée, on distingue que la jeune femme marche vers l'intérieur et une mimique implorante sur le visage de Jordan est immortalisée. Le titre de l'article de Closer, de profond mauvais goût, n'est nul autre que : « Duo ou trio ? Le triangle amoureux de Matignon ».

- Bah bravo, dit Gabriel. Maintenant, tu passes pour le Don Juan qui se tape le premier ministre et son assistante. Vous auriez pu être plus discrets.

- Attends, mais ils pensent qu'ils ont immortalisé une scène de ménage, là ? s'exclame Bardella.

- Les photos ne sont même pas autorisées dans l'enceinte de Matignon, leur rappelle Camille. Elle a dû être prise de l'extérieur, mais c'est curieux que la sécurité ait laissé passer ça.

- On dirait un truc pour redorer l'image de Jordan, que les médias considèrent comme un homo refoulé depuis 1 mois.

Est-ce que ce sont seulement les médias qui le considèrent comme tel ? Camille ne peut résister à faire une moue moqueuse en entendant les mots de Gabriel, mais personne ne relève, à part le premier concerné qui se trouve vexé par ce qualificatif peu reluisant.

- Je suis toujours là, gronde Jordan., Je ne suis pas homo refoulé, comme vous dites.

- Tu peux embrasser Gabriel, pour que je vérifie un truc ?

« Quelle petite garce » songe Bardella, et sa mâchoire se contracte malgré lui. Ils savent que c'est compliqué pour lui, mais les deux se foutent de sa gueule comme si ce qu'il vivait n'était pas compliqué. Voilà, Jordan est braqué, et il n'a plus du tout envie de toucher Gabriel : en effet, sans même s'en rendre compte, il décale précipitamment ses jambes des siennes pour qu'elles ne s'effleurent même plus. Le jeune homme entend Attal soupirer bruyamment, mais c'est plus fort que lui. À cet instant, il est dégoûté, et sa conscience lui inflige les images de ce réveil enlacé, de ces baisers volés, de ces mains qui se baladent sans aucune pudeur...

Valse PolitiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant