Chapitre 28

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À bout de souffle, à bout de force, mais l'esprit vide et paisible, Gabriel et Jordan sont affalés l'un contre l'autre sur le canapé, entièrement nus. Leurs corps sont toujours barbouillés du message imaginé par Gabriel : « Ni Macron, ni RN : nous appelons à la paix en France ». C'était sa condition pour qu'ils puissent faire l'amour, et si Jordan a commencé par râler, il a finalement trouvé que c'était du génie. Puis, il faut dire que ça l'arrangeait bien ; Attal aurait pu lui peindre n'importe quoi sur le corps si c'était le prix à payer pour des heures exquises de sexe.

Le feutre a un peu bavé ça et là, principalement du fait de la sueur et de leurs mains baladeuses qui ont étalé l'encre sans le vouloir. Le message a même été transféré sur le tapis blanc qui borde le canapé, cela à cause des fesses humides de Bardella qui ont été posées là quelque temps. En réalité, il y a des vestiges de ces écritures un peu partout : sur le canapé, des traces noires voire un ou deux mots sont imprimés à plusieurs endroits.

- Vous avez apprécié le spectacle ? demande Bardella alors qu'il récupère tant bien que mal son souffle et ses esprits. Moi, j'ai adoré !

Il crie presque pour pousser dans la provocation, mais aussi parce qu'il n'a aucune idée d'à quel point on les entend bien, ni si on les regarde en direct. Si oui, quel spectacle grandiose pour leurs auditeurs : ils ont baisé jusqu'à épuisement.

- Moi aussi, confirme Gabriel d'une voix plus timide, mais il sourit.

Les deux sourient parce qu'ils sont fiers d'eux. Le sexe a apaisé leurs esprits, les a détendus au possible, mais surtout, cela leur a redonné l'envie de se battre : l'inverse de l'abattement prévu suite au visionnage du clip de propagande.

Mais surtout, oui, surtout, Gabriel est heureux parce que Jordan lui a avoué à demi-mots que lui aussi partageait ses sentiments. Encore son langage codé bizarre, mais pour une fois, celui-ci était légitime et nécessaire au vu des circonstances. Si les choses s'arrangent un jour, Attal pense qu'il exigera de Bardella qu'il le dise clairement, non pas en étant énigmatique ; pour le moment, les choses vont mal, alors Gabriel s'en contente. Le jeune homme n'était pas bien sûr d'avoir compris, d'ailleurs, car cela veut tout et rien dire : « Ils ne savent pas tout, à vrai dire, mais je ne peux plus te le dire maintenant qu'on est écouté. ».

Pendant qu'ils se gribouillaient mutuellement le corps, Attal a tourné et retourné cette phrase dans sa tête. L'unique chose que Jordan ne peut plus dire désormais, il est possible que ce soit qu'il l'aime. D'abord parce qu'il est pudique et que cette instant leur serait volé, mais aussi parce que Bardella aime faire les choses différemment, avec bizarrerie ; de ce fait, il est parvenu à le lui dire de manière peu conventionnelle. Gabriel imagine que ça le soulage aussi de ne pas avoir à verbaliser un « je t'aime », ou bien pire, un « je suis amoureux de toi », peut-être parce que ce n'est pas totalement le cas, ou parce que c'est encore trop pour Jordan.

Le jeune homme a douté quant à l'interprétation de cette phrase, et c'est pour ça qu'il a chuchoté « Moi aussi » à l'oreille de son amant. Le but était simple : si Bardella paraissait confus, ce n'était pas ce qu'il voulait dire. Mais quand Gabriel a murmuré cela puis s'est redressé pour voir son visage, celui-ci était illuminé d'un grand sourire, et si les yeux de Jordan étaient voilés par le plaisir, ils pétillaient.

Ils se sont enfin compris, eux pour qui la communication était si compliquée. Alors, c'est ça ? Tout ce dont ils avaient besoin pour se comprendre, c'était une guerre civile en France et un enfermement forcé d'une durée incertaine dans Matignon ? C'est risible. Toutefois, c'est du grand Bardella d'avoir choisi ce moment pour le dire : toujours excessif, toujours dans le mélo-dramatique, toujours décalé. Inadapté social.

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