Chapitre 10

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Gabriel conserve la nuque appuyée sur les doigts de Jordan, et la pression se fait plus forte au fil des minutes. Bardella ne bouge pas d'un poil, ne parle pas, il a même l'impression de ne plus respirer par moment afin d'être le plus immobile possible. La chaleur corporelle de Gabriel est follement agréable et il se surprend à avoir envie de l'attirer contre lui : c'est une pensée qui le dégoûte. Le dégoût se mélange à ce plaisir qu'il considère malsain, et Jordan est mitigé entre laisser sa main ou l'enlever. Ce n'est pas Gabriel qui l'écoeure, c'est lui-même. Ce genre de pensées ne sont pas envisageables pour Bardella, mais pourtant, n'a-t-il pas déjà cédé à ses pulsions ? Cela fait longtemps qu'il n'écoute plus Camille, alors il divague sur cette voie. La pire, c'est quand il n'a pas résisté à susurrer quelques mots à l'oreille de Gabriel, et qu'il a été pris à son propre jeu en... ayant un début d'érection. En se remémorant ce moment, il ressent une forte répugnance à son propre égard : on ne ressent pas ça avec un homme. On ressent ça avec une femme.

Bon, pas une femme comme Camille, car elle, elle l'insupporte. Disons toutes les femmes jeunes et jolies à forte poitrine, à part Camille. Bardella imagine que c'est son besoin constant de domination qui fait de tels effets sur son corps. Il a toujours été en quête de reconnaissance et maintenant qu'il en a, Jordan met un point d'honneur à établir un ascendant sur les gens qui l'entourent. Gabriel est une proie facile à première vue, mais il se débat comme une lionne quand on est près du but. Jordan imagine que c'est ça qui le fait bander, tant au sens propre qu'au sens figuré.

La pression s'accentue sur ses doigts et la peau de Gabriel roule contre la sienne, ce qui fait sortir Jordan de ses pensées. Il se rend compte qu'il fixait la table basse.

- Jordan, Gabriel et Camille à l'appareil, tu nous reçois ? Lance Gabriel à son attention.

Jordan se tourne vers lui avec un léger sursaut : il était vraiment enfoncé dans son for intérieur. Puis un coup d'œil vers Camille le renfrogne, car la bougresse se moque de lui, elle et son petit sourire narquois.

- Oui. J'écoute ?

Gabriel et Camille se regardent et pouffent en chœurs. Une minuscule parcelle de la conscience de Jordan — celle qui est corrompue par son foutu inconscient — envie leur complicité.

- Il faut qu'on engage officiellement Camille comme notre assistante. Notre seule et unique assistante. Il n'y a qu'elle en qui on peut avoir confiance.
- Avec moi, vous pouvez être sûrs que je n'irais jamais rien raconté au parti ni à Macron. Je suis de tout cœur avec Gabriel et je le suivrais au dépens du parti, plaide Camille, avant d'ajouter. Enfin, je le suis, mais on ne se dirige pas vers l'extrême droite, hein Jordan ?

Il ne relève même pas le pique de Camille, mais l'envie de lui répondre le démange. D'accord, ses idées sont globalement considérées comme conservatrices et réactionnaires... mais avec ce coup d'état, Macron n'est-il pas d'extrême droite ? C'est un comportement régalien !

- Je ne suis pas enchanté de t'avoir comme assistante, dit il simplement.

Un ange passe. Camille a l'air blasé, Gabriel se crispe.

- C'est seulement sur le papier. Je n'ai pas non plus envie d'être ton assistante et je ne le serais que officiellement, lâche-t-elle.

Jordan hausse les épaules, cela fait onduler sa main contre la nuque de Gabriel.

- Si Gabriel veut que tu sois notre assistante, je suis d'accord aussi, à l'unique condition que tu arrêtes de me servir des putain de cafés sucrés.
- Si ça ne te convient pas, Merdella, tu iras te les servir tout seul, rétorque-t-elle, outrée. Je ne suis pas une machine à café sur pattes, gros mysogine.

Valse PolitiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant