Chapitre 25

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Sans qu'ils le sachent, les deux se sont disputés à quelques minutes d'intervalle avec Camille : Gabriel a mené la première partie du bal, et Jordan, la seconde. Si la jeune femme sortait de Matignon, ce n'est pas parce qu'elle cherchait Bardella, c'est parce que son ami l'avait mise dehors. Tout bonnement démise de toutes ses fonctions sur la simple décision de Gabriel. « Je n'ai plus envie de collaborer avec toi » a-t-il laissé flotter dans l'air, avant de préciser : « pour le moment, je préfèrerais que tu t'en ailles. », et ses mots avaient la froideur habituelle de ceux de Jordan, ce qui a particulièrement agacé la brune.

Pourtant, c'est elle qui était en tort : elle et Attal le savent. Comme c'est elle qui a également été en tort lorsqu'elle est partie agresser Bardella dans le hall, puisque sa seule motivation était de passer ses nerfs sur lui.

Alors, que s'est-il passé pour que le si bon Gabriel en vienne à lui demander de prendre la porte ? Il a quitté la chambre heureux, le coeur gonflé par cette si précieuse chose que Bardella avait su lui offrir : la tendresse de son corps, l'attention minutieuse au plaisir d'Attal, sans jamais montrer le moindre signe de dégoût. Si le jeune homme a continué de constater que Jordan n'aimait que le fait qu'il soit amoureux de lui, il y a autre chose qu'il a constatée en sortant de sa chambre.

Son changement. Le temps lui parait décuplé du fait qu'ils sont constamment ensemble depuis leur prise de poste, mais finalement, il y a une semaine, Bardella était profondément dégoûté par l'image de deux hommes ensemble. Aujourd'hui, il avait l'air tout sauf dégoûté. Jordan a changé, profondément changé, mais cela s'est fait si progressivement que ce n'est qu'à ce moment-là que cela frappe Gabriel. Le jeune homme n'a pas menti sur tout : il les déplace vraiment, ces montagnes, sinon jamais cela n'aurait pu se produire.

Bardella change, alors. Il se façonne, se transforme, se métamorphose en un homme différent que celui qu'il a connu. Ce constat rend Attal horriblement heureux, car enfin, les choses bougent. Peut-être Jordan finira-t-il par bien vouloir l'aimer au gré de son évolution, qui sait ? Cela lui met du baume au coeur.

C'est dans cet état d'esprit qu'il est allé déjeuner, puis qu'il a rejoint leur  bureau dans lequel le premier ministre a retrouvé sa chère amie Camille. Comprenez-le : il débordait de joie, relative à ce sexe matinal, oui, mais surtout parce que Jordan avait accepté de changer pour lui et que Gabriel gardait bon espoir qu'il continue sur ce chemin, pour enfin, un jour, envisager de l'aimer en retour. C'est parce qu'il avait besoin de partager son contentement que le jeune homme a tout raconté à Camille.

Elle n'a pas dit la vérité quant à ce que Attal lui a véritablement expliqué. Trop heureux, trop plongé dans cette petite bulle douillette de l'espoir renaissant, il n'a pas fait attention aux regards d'effroi qu'elle lui lançait, ni à cette fichue mine réprobatrice à mesure qu'il racontait les raisons de sa bonne humeur. Ce que Gabriel a véritablement dit, c'est qu'il avait bon espoir que Jordan finisse par approuver l'idée d'aimer Gabriel, et qu'en attendant, le jeune homme était prêt à se contenter d'une relation basée essentiellement sur le sexe. Si c'est tout ce que Bardella peut lui offrir à cet instant T, alors soit, Attal accepte, car le premier ministre estime qu'il faut encore laisser le temps à son amant pour accepter cette situation.

Oui, Gabriel transpire la bonté, puisqu'il est capable de se malmener en n'acceptant que des étreintes charnelles en attendant que son âme soit chérie. Oui, c'est certainement minable, car on ne devrait pas appâter quelqu'un avec son corps pour que ce quelqu'un tombe amoureux. Oui, mais cela est ainsi, et le jeune homme a bon espoir. Il accepte de s'oublier autant de temps qu'il le faut pour que Jordan, lui, se trouve enfin et accepte. C'est ce que Gabriel a dit, mais ce n'est pas ce que Camille a compris et interprété, encore moins ce qu'elle a répété à Jordan.

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