Chapitre 26

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Ils partent, alors, c'est décidé. 

L'un part parce qu'il veut s'établir dans un environnement où il pourra guérir de sa mauvaise conception de l'amour sans subir le regard des autres, mais aussi parce que ce sera moins dur d'accepter s'il n'a pas à l'assumer pleinement devant des millions de gens qui l'ont aimé car il adhérait à ces conceptions nauséabondes, et enfin, il part parce qu'il veut protéger Gabriel et compte bien tenir sa promesse de le tenir jusqu'au bout du monde. Les raisons sont louables, bien que très égocentriques, puisqu'il se fout royalement de ce qu'il peut bien se passer en France tant que ça ne les touche pas.

L'autre part, parce qu'il estime que rester, cela signifierait perdre Jordan, qui repartirait tôt ou tard dans les jupes de la matriarche du RN. Lui se soucie cruellement du sort de la France, il se doute que sa fugue et la crise qu'elle provoquera sera sans précédent, et surtout,  il sait que cela le hantera jusqu'à la fin de ses jours. Pourtant... il part, certes à contrecoeur quant à l'avenir incertain des Français, mais il part pour obliger cet amour à exister. 

Les raisons sont diamétralement opposées, mais la finalité est la même : ils partent, ça y est. Ils font ce qu'ils auraient du faire dimanche soir, à l'annonce de leur entrée en poste de premiers ministres. 

Le plan s'élabore rapidement parce que les deux hommes ont conscience de l'urgence de la situation ; une seconde perdue pourrait empêcher qu'ils s'échappent. Gabriel écrit une lettre à Camille dans laquelle il s'excuse et lui promet de la recontacter un jour, le plus vite possible même, et surtout, le jeune homme s'excuse. Attal s'excuse pour deux choses : d'abandonner lâchement la France et donc de ne pas respecter sa promesse de lui préparer le meilleur des avenirs, et de préférer choisir Jordan au reste du monde. Il espère que Camille la trouve un jour, mais le premier ministre craint que ce soit peu probable. 

Bardella ne s'embête pas à écrire un mot à qui que ce soit, car personne ne l'attend ici. Les deux se mettent d'accord sur le fait qu'il ne faut pas qu'ils préviennent leurs parents, sans quoi cela risquerait de compromettre leur aller sans retour. Ils ne prennent pas d'affaires pour ne pas éveiller les soupçons, et laissent leurs portables posés bien en évidence sur le bureau. 

Si question il y a, la réponse est préparée : les deux hommes n'ont plus de vêtements à Matignon, ils veulent aller en chercher chez eux. Si on veut les accompagner ? Non, ce n'est pas nécessaire. Si la personne insiste ? Gabriel et Jordan disposent d'un peu plus de 1400 euros en liquide pour acheter son silence, avec la promesse d'offrir plus par virement bancaire. Tout est pensé... ou presque ?

Gabriel et Jordan sortent de leur bureau en portant des vêtements décontractés qui attireront moins le regard sur eux : deux mecs en costard, ça se remarque beaucoup trop. Gabriel tente d'attraper sa main alors qu'ils marchent à une allure calme, mais Jordan décale la sienne.

- C'est bizarre si on sort main dans la main, ils vont peut-être y voir un signe de rébellion. 

- Tu as crié qu'on couchait ensemble. Ils ne vont pas voir de la rébellion, juste la confirmation qu'il y a quelque chose. 

- On reste normaux, Gabriel, le gronde finalement Jordan. Tu as toute ta vie pour me tenir la main. 

- C'est suspect ! Tu es constamment en train de me toucher devant les gens, et là non, alors ils vont trouver ça suspect !

Bardella s'arrête en plein dans le couloir pour fixer le jeune homme avec un regard noir. 

- Par pitié, Gabriel, la ferme. C'est toi qui est suspect. Tais-toi et avance.

Le jeune homme se tait, il ne chipote plus : Gabriel stresse en silence, parce que s'ils commencent à s'engueuler, ça sera encore plus suspect. Les deux font un détour par les cuisines pour manger afin de prendre des forces, et là encore, ils répètent le plan qui est simple, il suffit juste de pouvoir le mener à bien. 

Valse PolitiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant