38. Transe

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Rayan
Aile Nord Q.G, 01h39

Je la regardais allongée sur le sol où j'avais passé tant de nuits, ses genoux ramenés contre sa poitrine elle ne cessait de pleurer, ses sanglots rendant difficile sa respiration.

Mes yeux passaient de son visage en partie dissimulé par ses cheveux en bataille, à ses bras colorés d'ecchymoses, à ses poignets marqués par les menottes, à ses doigts cassés, à ses pieds ensanglantés rongés par les rats.

Mon corps tremblait comme jamais il n'avait pu le faire, je transpirais au point où je sentais ma chemise se coller à mon dos tandis que j'essuyais une goutte de sueur s'étant formée sur mon front.

J'étais en transe, en putain de transe, dans ma boîte crânienne je sentais mon cœur battre jusqu'à m'en créer des acouphènes, mon cerveau était en surchauffe c'était la pire sensation que j'avais pu connaître.

Une partie de mon cerveau m'hurlait que je devais redresser Aïna, qu'elle avait trop pleuré alors qu'il nous était interdit de pleurer ici et l'autre me priait de la laisser partir, d'ouvrir cette putain de porte et de la balancer en dehors de l'aile Nord.

Assis juste à côté d'elle, mon dos posé contre le mur, mes coudes sur mes genoux ramenés contre mon torse je plaquais mes paumes sur mes yeux, me plongeant dans le noir total pour tenter de réfléchir correctement.

Mais tout était trop.
Cet endroit me rendait fous, littéralement.

-POURQUOI TU NE PEUX PAS ÊTRE NORMAL BORDEL POURQUOI TU NE PEUX PAS M'AIMER COMME JE T'AIME ?!

Je n'y arrive pas.
Je n'y arrive pas.
Je n'y arrive pas.
Je n'y arrive pas.
Je n'y arrive pas.

Je voulais t'aimer comme tu m'aimais Aïna, je voulais plus que tout ne te souhaiter que du bien, je voulais tout faire pour que ton sourire ne disparaisse de tes lèvres mais la seule chose que je parvenais à faire était de colorer ton corps d'hématomes plus monstrueux les uns que les autres.

Elle devait partir.
Absolument.
Maintenant.

J'allais lui dire de s'en aller, que les clés de la porte étaient dans ma poche et que j'allais tout donner afin de ne pas la retenir mais ce qui sortit de ma bouche fut bien différent de ce que j'avais prévu.

-Arrête de chialer putain.

Ma respiration devint encore plus compliquée alors que je déplaçais mes mains jusqu'à me tirer les cheveux, ça ne s'arrêtait pas, mes hurlements de douleur se mélangeaient aux siens, ils étaient de plus en plus forts, ils prenaient de plus en plus de place.

Mes sourcils se froncèrent en remarquant que les pleurs d'Aïna avaient cessé mais qu'en revanche sa voix avait pris leurs places, je parvenais à peine à discerner ce qu'elle dit tant elle parlait doucement.

-Strekoza prizemlilas' na Lunu. (Une libellule s'est posée sur la lune.)

Du russe.
C'était du russe bordel.

-V lesu, gluboko v gnezdakh, (Dans les bois, au profond des nids,)

Je me mordais les lèvres, les spasmes musculaires ne s'arrêtaient pas bien au contraire ils augmentaient, je n'avais qu'une envie la faire passer au détecteur de mensonges afin qu'elle me raconte tout ce qu'elle avait vécu en Russie, je ne savais rien de cet aspect primordial de sa vie et ça me rendait putain de fous, plus que je ne l'étais déjà.

-Ptitsy usnuli. (Les oiseaux se sont endormis.)

Garde ton calme.

-Ne boytes revushchego vetra, (N'ai pas peur du vent qui gronde,)

Love is fucking shitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant