• 𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐓𝐑𝐄𝐍𝐓𝐄-𝐓𝐑𝐎𝐈𝐒 | 𝑰𝒏𝒉𝒆𝒓𝒊𝒕𝒂𝒏𝒄𝒆 •

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Bonne lecture,

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CHAPITRE TRENTE-TROIS - inheritance





ARI

La lumière grise qui surplombe Manhattan filtre à travers les stores du cabinet. D'ici, la vue n'est pas terrible. Tout ce que j'aperçois, ce sont les immeubles qui s'élèvent sur des centaines de mètres, des blocs de béton qui s'entassent sans fin. L'horizon est plus beau depuis le toit de l'hôpital, là haut j'ai l'impression que je peux toucher le ciel, sentir l'infini.

Je m'adosse dans ma chaise de bureau, les épaules soudainement lourdes. Mes doigts caressent le bois de la table, cherchant un point d'ancrage, mais tout ce que je ressens, c'est une vague de lassitude. Mon regard erre sur les tours de verre et d'acier, en attendant désespérément mon prochain rendez-vous. Autrefois, c'était avec impatience que j'attendais ma prochaine patiente. Maintenant, j'aimerais juste tout arrêter, tout lâcher. L'étincelle qui animait mon travail a faibli, vacillé, et je me demande même si elle n'est pas déjà éteinte.

Parfois, j'ai l'impression de ne pas avoir fait le bon choix. Cette vie que j'ai construite, ces études, ces longues journées à travailler comme une acharnée. Tout ça, aujourd'hui, me semble si lointain, si étranger depuis quelque temps. Comme si cette femme qui a tant lutté pour en arriver là n'était plus moi. Comme si je n'étais plus légitime. Comment est-ce que je peux sauver des vies quand, au même moment, je ne parviens pas à me sauver moi-même ?

Un coup discret à la porte me ramène brusquement à la réalité. Mon patient est là.

— Bonjour, Ariel !

La voix familière de Nick résonne dans la pièce, suivie de petits gloussements joyeux. L'atmosphère change radicalement, comme si la chaleur de leur présence balayait d'un coup la froideur qui pesait dans la salle.

— Bonjour !

Je me lève de la chaise pour saluer le petit bout qui a bien grandi depuis la dernière fois. Ange gigote dans son porte-bébé, un sourire béat sur le visage. Ses bras et ses jambes s'agitent sans relâche. Son père a une main contre lui pour me maintenir tant il est plein d'énergie. C'est le portrait craché de son père. Chaque fois que je le vois, ça me peine de voir qu'il n'a tiré aucun trait de sa mère.

— Comment vas-tu Ariel ?

Nick s'assoit sur la chaise devant le bureau avec son fils contre son torse. À huit mois à peine, il dégage déjà une telle vivacité.

— Ça va, et toi ? Tout va bien ?

Un rictus étire ses lèvres dans un sourire mi-amusé, mi-exaspéré. Il baisse les yeux vers son fils et embrasse doucement son front.

— Le microbe me complique un peu plus la vie maintenant qu'il commence à se déplacer à quatre pattes. Il tombe en avant la plupart du temps, mais je sens que je vais bientôt devoir enlever tout ce qui est à sa portée. Il est insatiable.

— En général, à bientôt huit mois c'est un peu tôt pour se déplacer comme ça mais en le voyant si énergique, ça ne m'étonne pas. C'est que tu as là, un enfant précoce. Dans quelques semaines, il saura déjà marcher et courir.

Je souris en regardant Ange bouger comme une petite tornade. Toute trace de joie a disparu de son visage, il arbore une mine énervée qui vire au rouge en quelques secondes. Puis, une certaine odeur agresse mes narines et je réalise qu'il vient de faire dans sa couche.

𝐅𝐀𝐋𝐋𝐄𝐍 𝐁𝐑𝐈𝐃𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant