• 𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐐𝐔𝐀𝐑𝐀𝐍𝐓𝐄 | 𝑼𝒏𝒕𝒊𝒍 𝒕𝒉𝒆 𝒍𝒂𝒔𝒕 𝒅𝒂𝒚 •

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Bonne lecture,

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CHAPITRE QUARANTE


ARI

Le tissu de mon pyjama me démange les genoux. Il est usé, taché par de fines traces de sang que j'ai laissé à force de frotter le tissu contre ma peau. Assise sur le banc en bois, je relève mes jambes contre ma poitrine, cale mon menton sur l'un des deux, et m'amuse à gratter l'autre avec mes ongles rongés par le stress. Je retiens une grimace quand des picotements braisent mon genou.

Sur le banc d'à côté, une femme m'observe. Ses yeux sont bordés de cernes si foncés qu'on dirait qu'elle les a maquillés au charbon. Elle n'est pas la seule. La plupart des résidents ici ont ce même regard, épuisé et vidé. Moi y compris. Les nuits sont longues, et le sommeil est un luxe rare.

Je repense à ce jour, celui où j'ai perdu patience. J'ai agressé une aide-soignante quand elle a osé me dire que j'étais belle. C'était juste un coup, mais un de trop. C'est pour ça qu'on m'a enfermé dans ma chambre, une semaine entière, privée de tout contact avec l'extérieur.

Ces sept derniers jours m'ont paru interminables. Ligotée aux poignets et aux chevilles, enchaînée à ce lit, je n'avais plus aucun contrôle sur mes mouvements. Même pour manger, on me nourrissait, comme on nourrissait un bébé qui ne savait pas encore utiliser ses mains. L'humiliation totale était lors mes toilettes.

Ça fait du bien de pouvoir sortir de nouveau dans le jardin aujourd'hui, sentir l'air chaud de l'été sur mon visage et voir la lumière du jour. C'est presque étrange de retrouver tout ça après si longtemps.

La dame continue de m'observer, son regard perçant me rend nerveuse. Je détourne les yeux mais je sens qu'elle s'approche de moi, hésitante, en regardant autour d'elle. Certains résidents sont accompagnés par des infirmières. Des agents se promènent, guettant le moindre comportement qu'ils jugent suspect ou dangereux.

— Ils nous observent. Elle déclare tout bas.

— Je sais. C'est leur boulot de nous surveiller.

Elle secoue la tête avec une frénésie qui commence à m'inquiéter.

— Non. Non, pas eux. Ils nous observent vraiment !

— Qui ça ? Qui nous observe ?

— Les démons de l'Enfer ! Ils nous observent, ils attendent que nous devenions méchants pour prendre notre âme.

Elle chuchote ces mots avec une telle conviction que je reste un moment stoïque. Mais très vite, je secoue la tête. Elle est carrément atteinte celle-là. Je déplie les jambes et m'éloigne de cette folle. Je n'ai pas besoin de ça. Elle pourrait me causer des problèmes si je reste plus longtemps à l'écouter délirer.

Je marche en direction du bâtiment, je pousse les lourdes portes quand je le vois au bout du couloir. Archibald. Son visage me paraît flou, mais je sais que c'est lui. Il est venu. Il est quand même venu malgré ce que je lui ai fait. Mon cœur se serre sous l'émotion et mes jambes se mettent à trembler. Je me précipite vers lui, mes bras tendus, comme une enfant qui court vers un parent.

— Archibald !

Je m'élance, mais quelque chose cloche. Plus je m'approche, plus son visage change, il se déforme sous mes yeux. Ce n'est pas Archibald. Ce n'est qu'un simple agent. Je m'arrête net, la panique me foudroie, tout s'embrouille dans ma tête.

— Non...Où est-il ? Où est Archibald ?!

J'ai besoin de lui, je dois le voir. Je commence à reculer, cherchant frénétiquement autour de moi. Il ne peut pas s'être volatilisé. Tout le monde me regarde avec ces mêmes yeux indifférents.

𝐅𝐀𝐋𝐋𝐄𝐍 𝐁𝐑𝐈𝐃𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant