Chapitre 1 - Julia

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Mes yeux tentant de s'accoutumer à la pénombre et le cœur battant à tout rompre, je tente de reprendre mon souffle pour ne pas mourir asphyxiée, la tête dans ce foutu sac qui me bouche la vue après m'être lamentablement fait kidnapper en chemin.

La corde qui tient mes poignets fermement liés entre eux derrière mon dos ne veut pas céder malgré tous mes efforts pour me libérer. Je peste et je rage, mais je ne peux ni parler ni crier, ces espèces de malfrats m'ont bâillonné avec un gros morceau de scotch. J'ai beau essayer c'est peine perdue.

En colère et tapant du pied mais ne voulant pas gaspiller mes forces inutilement, je finis par m'asseoir correctement et je me cale brutalement le dos en soupirant contre la paroi dure et froide d'un véhicule que je devine être un fourgon. Malgré l'obscurité due au sac que j'ai sur la tête, je devine que je ne suis pas seule dans cette voiture qui continue tranquillement son chemin.

En effet, comme pour confirmer le fait qu'on est bien plusieurs, j'entends des pleurs ainsi que des plaintes étouffées venant de quelqu'un, apparemment une femme qui doit être ligotée et bâillonnée comme moi. Mais en fait, je suis persuadée que nous sommes bien plus que deux dans cette putain de bagnole...

Je me souviens que, quelques minutes plus tôt, dans ma première tentative de me libérer de mes liens après m'être réveillée du sommeil forcé dû à la substance qu'ils m'ont collé sur le nez (je leur ferai payer ça, d'ailleurs...), j'ai senti plusieurs corps du bout de mes chaussures, apparemment inertes. Sur ma bouche, le scotch retient mes jurons tout comme mes cris.

De toute façon le kidnapping avait eu lieu, ce qui était fait était fait et je ne pouvais plus m'échapper. À quoi bon résister ? Du moins pour le moment.

Rassemblant mes forces et mes pensées, je ferme les yeux, faisant le vide en moi et je me remémore les derniers événements.

*****

C'était la fin d'après-midi et je rentrais tranquillement chez moi comme à mon habitude, après ma pause musique quotidienne dans le parc assise sur un banc. J'avais fermé les yeux et j'entendais le rythme des basses qui s'insinuait en moi pendant que je respirais l'air vivifiant.

Aujourd'hui, je « fêtais » mes 19 ans. Mais pour moi, cette journée était pareille à toutes les autres. J'avais dormi dans mon logement... enfin, si on pouvait appeler mon taudis de 10 mètres carrés un logement. Je m'étais réveillée sur les coups de midi pour avaler un pauvre sandwich sans saveur. Normal, puisque j'étais fauchée et sans travail – touchant uniquement les aides de l'Etat, merci les alloc'– sans famille, sans amis, pas même un animal de compagnie. Ah si ! J'avais les souris et les cafards. C'étaient les seuls qui se promenaient et qui, parfois, aimaient bien venir me faire un petit coucou.

Bref. En ouvrant les yeux ce jour-là, j'avais contemplé le ciel bleu et j'avais tourné la tête en entendant les rires enjoués et enthousiastes des enfants qui se couraient après dans la rue.

Une jeunesse heureuse et innocente, avais-je pensé... tout ce que je n'avais jamais eu en somme.

À travers mes pupilles ternes, je continuais de les observer jouer au chat et à la souris, me remémorant mon passé bien différent du leur ; un passé qui était d'ailleurs la cause directe de mon état actuel.

Pourtant, même en les regardant jouer, je ne les enviais pas. En fait, plus aucun sentiment ne m'habitait : ni colère, ni joie, ni chagrin. Rien.

Les journées que je passais dans ce quartier sordide de Brooklyn depuis plusieurs années maintenant se ressemblaient toutes, et je n'attendais qu'une seule chose : la mort. Cette mort qui viendrait me délivrer.

MORSURE EMPOISONNÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant