Chapitre 2

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Le soir du dîner, Maxima arriva au restaurant, sceptique quant à la suite de cette soirée. Charles l'attendait déjà, habillé avec une élégance décontractée qui tranchait avec l'image du pilote intrépide. Elle s'installa en face de lui, posant son carnet de notes en évidence sur la table, un geste purement stratégique. Elle voulait que ce rendez-vous reste professionnel, aussi ambigu que le cadre puisse être.


— Tu n'es pas du genre à laisser tes notes de côté, on dirait, fit remarquer Charles, en levant un sourcil.


— C'est pour ne rien manquer, répondit-elle avec un sourire en coin, une lueur provocante dans les yeux. Et puis, c'est bien pour ça que je suis là, non ? Tu voulais qu'on discute de Ferrari et de ton parcours.


Charles esquissa un sourire amusé, comme s'il devinait qu'elle avait placé cette barrière intentionnellement.


— Bien sûr. Allons-y alors, commença-t-il en prenant une gorgée de vin. Parle-moi de ce que tu penses de Ferrari cette saison. Sois honnête.


Elle ne se fit pas prier. C'était un sujet où elle excellait.


— Ferrari manque encore de constance, malgré les progrès sur la gestion des virages. Le problème, c'est que vous vous accrochez trop à des stratégies agressives, même quand elles ne paient pas. En fait, j'irais jusqu'à dire que ton équipe compte trop sur ton talent pour compenser les lacunes.


Charles se redressa légèrement, une ombre de contrariété traversant son regard.


— Tu penses donc que Ferrari me met la pression inutilement, simplement pour sauver les apparences ?


— Je pense surtout qu'ils te voient comme leur meilleure chance, répondit-elle, son ton prenant une inflexion légèrement accusatrice. Mais cela ne change rien au fait qu'à plusieurs reprises, ils t'ont mis dans des situations intenables. Et toi, tu ne fais rien pour les contredire.


Il soupira, piqué au vif.


— Facile à dire de l'extérieur, Maxima. Je suis pilote. Mon rôle, c'est de donner le maximum, quoi qu'il arrive. Le tien, c'est d'observer et de critiquer. Mais tu n'as aucune idée de ce que ça implique réellement.


Elle soutint son regard, refusant de se laisser impressionner.


— Justement, Charles, c'est mon travail de voir au-delà de l'image parfaite que vous tentez de projeter. J'ai vu des pilotes exploser sous cette pression, et toi, tu... tu sembles vouloir tout prendre sur toi sans jamais rien dire.


Leurs yeux se croisèrent, et elle y vit une tempête qu'elle n'avait pas soupçonnée.


— Ce que tu ne comprends pas, c'est que je n'ai pas envie d'être ce pilote qui passe son temps à se plaindre, trancha-t-il. Je connais mes responsabilités envers l'équipe, envers les fans. Peut-être que ça ne te plaît pas, mais c'est comme ça que je fonctionne.


Maxima serra les lèvres, sentant une tension naître entre eux. Elle avait probablement touché une corde sensible.


— Et moi, je n'ai pas pour habitude de me retenir dans mes analyses, répliqua-t-elle fermement. Mon travail, c'est de dire la vérité, même si ça ne plaît pas.


— Tu as raison, répondit-il sèchement. Mais parfois, ce que tu appelles "la vérité" ressemble plus à des critiques gratuites. Je t'ai vue démolir des pilotes en deux phrases dans tes articles. J'ai toujours pensé que tu pouvais aller plus loin, que tu pouvais être plus... humaine.


L'accusation, bien qu'exprimée calmement, frappa Maxima de plein fouet. Elle ne s'attendait pas à ce que Charles l'attaque sur ce plan-là. Elle se sentit sur la défensive, un mélange de frustration et de colère montant en elle.


— Humaine ? Charles, je ne suis pas là pour distribuer des compliments ou ménager des égos. Si mes articles dérangent, c'est bien parce que les vérités que je pointe du doigt ne plaisent pas. Quant à toi, peut-être que cette pression finirait par te faire craquer si tu osais seulement l'admettre.


Les mots résonnèrent entre eux, lourds et tranchants. Charles la fixa, les mâchoires serrées, puis hocha la tête, clairement déçu.


— Très bien, Strake, dit-il en se levant brusquement de sa chaise. Peut-être que ce dîner était une erreur.


Elle le regarda partir, soudainement seule dans le restaurant. Son carnet restait fermé sur la table, signe amer qu'elle n'avait pas cherché à nuancer sa critique. Pourtant, un sentiment étrange l'envahit, mélange de regret et de satisfaction. Elle avait dit ce qu'elle pensait, mais avait-elle été trop dure ? Avait-elle franchi une ligne qu'elle ne pourrait plus effacer ?Les jours suivants, une distance glaciale s'installa entre eux. Dans le paddock, Charles l'ignorait soigneusement, se concentrant sur ses essais et sur la préparation des courses sans lui accorder un regard. Elle continuait de le suivre pour ses articles, mais il refusait obstinément de lui accorder la moindre entrevue.Elle pouvait le voir, chaque jour, s'efforcer de tout donner, même quand la Ferrari flanchait, même quand la stratégie échouait. Il ne montrait aucune faille. Elle, de son côté, commença à se sentir envahie par une pointe de remords. Avait-elle eu raison de le provoquer ainsi, de le blesser là où elle savait que cela toucherait ?Un soir, alors qu'elle se trouvait seule à rédiger ses notes après une journée d'essais particulièrement difficile pour Charles, elle sentit une présence derrière elle. Elle se retourna et tomba face à Lando Norris, qui la regardait avec un mélange de curiosité et de méfiance.


— Je peux te parler, Maxima ? demanda-t-il d'un ton un peu hésitant.


Elle hocha la tête, surprise.


— Écoute, je ne sais pas ce qui s'est passé entre toi et Charles, mais je l'ai rarement vu aussi... contrarié. Tu sais, ce gars-là se donne corps et âme pour son équipe, et je sais qu'il t'appréciait. Alors peut-être que tu devrais te demander si tu ne l'as pas jugé trop durement.


Elle se mordit la lèvre, mal à l'aise.


— Peut-être, admit-elle finalement. Mais je suis journaliste, Lando. Mon travail n'est pas de les épargner.


Lando la fixa, ses yeux s'adoucissant légèrement.


— Peut-être, mais il y a des façons de le faire. Parfois, on oublie que derrière chaque pilote, chaque interview, il y a une personne qui se bat contre ses propres doutes.


Maxima resta silencieuse, la voix de Lando résonnant dans son esprit. Peut-être qu'il avait raison. Peut-être que, pour la première fois, elle avait dépassé une limite sans même s'en rendre compte.Elle réalisa alors qu'elle avait non seulement perdu un accès privilégié à un pilote talentueux, mais qu'elle avait également compromis quelque chose de plus rare encore : la confiance de quelqu'un qui voyait peut-être en elle autre chose qu'une simple journaliste.

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