Chapitre 10

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Le week-end d'Imola s'annonçait sous des cieux sombres, littéralement et métaphoriquement. La pluie menaçait de s'inviter pour la course, et le paddock vibrait d'une tension palpable. Maxima sentait l'effervescence monter à mesure que les pilotes se préparaient pour affronter l'un des circuits les plus techniques du calendrier. Ce Grand Prix représentait un véritable défi, et les erreurs ne pardonneraient pas sur ce tracé exigeant.Elle arriva tôt au circuit, décidée à observer de près les préparations et, surtout, à analyser les ajustements que chaque équipe ferait face aux conditions humides. Mais malgré toute sa détermination à rester concentrée sur son travail, ses pensées revenaient sans cesse à Charles. Leur complicité grandissante la déstabilisait plus qu'elle ne voulait l'admettre. Elle craignait que se rapprocher davantage de lui ne la rende vulnérable, une situation qu'elle redoutait depuis sa mésaventure avec George.

Les qualifications furent chaotiques. Sous une pluie battante, les pilotes luttaient pour garder le contrôle de leurs monoplaces, et plusieurs incidents obligèrent la direction de course à interrompre la session à plusieurs reprises. Charles parvint tout de même à décrocher une place en troisième ligne, mais Maxima sentit qu'il n'était pas satisfait de sa performance.Dans la soirée, elle reçut un message de lui : 

*« Dîner d'après qualification ? Besoin de décompresser après cette journée épuisante. »*

Elle hésita, ses doigts flottant au-dessus de l'écran de son téléphone. Elle savait que la prudence serait de refuser, de garder une certaine distance pour ne pas s'impliquer davantage émotionnellement. Mais elle se surprit elle-même en tapant sa réponse :

*« D'accord, mais à condition que ce soit rapide. J'ai un article à écrire. »*

Quelques heures plus tard, ils se retrouvèrent dans un restaurant discret en dehors de la ville, où ils prirent place dans un coin à l'abri des regards curieux. Charles, malgré sa déception visible, laissait échapper quelques sourires lorsqu'elle le taquinait sur ses erreurs de la journée. Le ton était léger, mais dans le regard de Charles, elle voyait une lueur qu'elle avait appris à reconnaître : celle d'une personne qui trouvait en elle un refuge, un espace de paix.À un moment, il posa sa main sur la table, non loin de la sienne, hésitant, avant de se raviser. Elle remarqua le geste, sa gorge se serrant brièvement. Malgré elle, elle était touchée par cette fragilité cachée sous sa façade de pilote assuré.

Le lendemain, la pluie était toujours au rendez-vous, et l'ambiance était tendue sur la grille de départ. Charles était concentré, son regard fixé sur la piste trempée, tandis que Maxima suivait les préparations dans les stands. Elle sentait l'adrénaline grimper, mêlée à une nervosité qu'elle peinait à ignorer. C'était une chose d'être là en tant que journaliste, mais en cet instant, elle ressentait aussi une angoisse inexplicable pour Charles et les autres pilotes mais bizarre plus pour Charles, une inquiétude plus personnelle qu'elle n'aurait voulu l'admettre.La course fut intense dès le départ. Les pilotes luttaient pour trouver de l'adhérence, et plusieurs incidents vinrent ponctuer les premiers tours. Maxima se tenait près des écrans de contrôle dans les stands, les yeux rivés sur chaque mouvement de Charles sur la piste. À chaque virage serré, chaque tentative de dépassement, elle retenait son souffle, incapable de masquer la tension qui montait en elle.Au dixième tour, un accrochage survint à l'avant du peloton. Charles parvint à éviter de justesse l'incident, mais dans la manœuvre, il perdit du terrain et rétrograda de plusieurs positions. Frustrée pour lui, Maxima murmura pour elle-même, son cœur battant de plus en plus vite. Malgré tout, Charles continuait de se battre avec détermination, gagnant peu à peu du terrain.Finalement, après plusieurs tentatives audacieuses, il franchit la ligne d'arrivée en cinquième position. Ce n'était pas le podium espéré, mais dans les conditions difficiles de cette course, il avait livré une performance impressionnante.Dans les stands, Maxima se retrouva happée par les autres journalistes, mais elle sentit ses pensées dériver sans cesse vers Charles. Une part d'elle voulait le voir, lui parler, partager ce moment. Elle finit par se faufiler hors de la foule pour rejoindre le garage Ferrari, espérant un bref échange avant de reprendre son travail.Lorsqu'elle arriva, elle le trouva en train de débriefer avec ses ingénieurs, le visage marqué par la fatigue mais arborant une expression résolue. Quand il la vit, il lui adressa un léger sourire, fatigué mais sincère.

— C'était intense, lâcha-t-il en venant à sa rencontre, les yeux pétillants malgré la déception. Pas exactement le résultat que je voulais, mais au moins je suis resté sur la piste.

Maxima sourit, incapable de masquer son soulagement.

— Pour être honnête, j'étais à deux doigts de la crise cardiaque à chaque virage. Bravo pour avoir tenu le coup, vraiment.Il éclata de rire, un rire franc qui chassa la tension de son visage.

— Tu étais nerveuse pour moi, alors ? demanda-t-il avec une étincelle dans le regard, un sourire en coin.

Maxima rougit légèrement, détournant le regard pour masquer son embarras.

— Ne te fais pas trop d'idées, Leclerc. Mon article dépendait de ta performance, voilà tout, répliqua-t-elle en essayant de paraître détachée.

Charles rit de plus belle, bien trop habitué à ses répliques ironiques pour être dupe.

— D'accord, d'accord. Alors, j'imagine que tu n'auras pas besoin de te soucier de moi pour le prochain Grand Prix non plus, n'est-ce pas ?

Elle hésita, piégée entre son instinct de défense et la sincérité naissante qui la poussait à être honnête. Finalement, elle soupira, laissant tomber ses murs pour un bref instant.

— D'accord, oui, peut-être un peu, admit-elle, baissant les yeux. Je m'inquiète un peu pour toi, Charles. Ce monde n'est pas tendre, et... je suppose que je n'aime pas te voir te battre seul contre tout ça.

Ils échangèrent un regard, un moment de vérité pure où leurs façades s'effaçaient. Il posa doucement une main sur son épaule, sa voix douce, presque murmurée.

— Merci, Maxima. Ça compte plus que tu ne le crois.

Maxima sentit une chaleur envahir son cœur, une émotion qui la rendait aussi vulnérable que sereine. Elle s'éloigna doucement, consciente qu'elle venait de franchir une barrière invisible, et cette proximité avec Charles la laissait à la fois plus forte et plus incertaine que jamais.Mais pour la première fois depuis longtemps, elle se surprit à laisser sa méfiance s'atténuer. Peut-être, pensa-t-elle en quittant les garages, était-il enfin temps pour elle de faire confiance à nouveau.

Ligne de DépartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant