Chapitre 18

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Je ne distinguais rien autour de moi. Le feuillage dense des arbres empêchait la lune de m'éclairer. Il faisait froid dehors, une brise légère m'accompagnant. J'avançais prudemment, sans faire de bruit. J'évitais de marcher sur des bouts de bois ou alors près des buissons. Je ne voulais surtout pas me faire repérer. Je me pris le pied dans une racine et manquais de trébucher. Je piétinais des feuilles mortes en me rattrapant, ce qui créa un vacarme pas possible. Envahi d'une peur immuable, je scrutais les alentours. Personne en vue. Je poussais un long soupir de soulagement et repris ma marche, domptant ma maladresse.

            Plusieurs minutes s'étaient écoulées. J'avais réussi la traversée sans me faire remarquer, mais je n'arrivais plus à bouger. Je me tenais là, devant la maison du maître. J'hésitais à frapper à la porte. Je cherchais mes mots. Je me demandais même ce que je faisais ici. Je voulais rebrousser chemin, mais la porte s'ouvrit dans un grincement. J'inspirais profondément et me retournais pour faire face à Iruma. Il pointait un fusil sur moi, le regard rempli d'une rage qui m'était encore inconnu. En signe de soumission, je reculais de quelques pas, mais il fronça les sourcils.

            Un détail m'illumina l'esprit. La capuche cachait mon visage. Je levais donc lentement ma main vers mon visage que je dévoilais à mon maître. Je me détachais les cheveux, les faisant virevolter dans le vent frais. Maître Saï abaissa son arme et me dévisagea longuement.

- Qu'est-ce que tu viens faire ici ? me demanda-t-il froidement.

- J'ai des questions.

            Après un court instant d'hésitation, le maître me permit de pénétrer dans sa demeure. Je m'avançais dans sa direction et passais la porte tandis qu'il rangea son arme dans une petite armoire en bois. Iruma s'installa dans un fauteuil, mais moi, je ne bougeais pas. Je restais clouée dans l'entrée. Il m'invita à m'asseoir et je m'installai avec hésitation dans un fauteuil qui faisait face au sien. Iruma me lança un regard interrogateur. Je ne savais pas par où commencer. C'était un sujet délicat. Peut-être trop ? Je pris une grande inspiration et commençais à poser mes questions.

- Je suis venu jusqu'à vous, car j'ai des questions à vous poser.

- Et c'est à quel sujet ? me demanda-t-il calmement.

- J'aimerais que vous m'en disiez plus sur Malakay.

- Je pense que cela ne va pas être possible, jeune fille.

- S'il vous plaît, j'ai besoin de savoir si..., implorai-je.

- Non ! Je t'ai dit que ce n'était pas possible ! s'exclama-t-il en colère.

- Mais... Je suis venu exprès. Je veux obtenir des réponses !

- Je m'en contre fou ! Sors de chez moi ! hurla-t-il, rempli de rage.

            Énervée, je me levais d'un bond et ouvrit la porte à la volé. Je quittais rapidement la maison, le visage empourpré par la colère. Je savais bien que parler de son fils était difficile, mais je m'étais mise en danger pour avoir des réponses. Folle de rage, je serrais les poings afin de garder mon calme et me mis à courir. À bout de souffle et la colère ne s'estompant pas, je m'arrêtais en plein milieu de la forêt et cognais dans un arbre aussi fort que je le pouvais. La rage montait en moi tandis que je frappais de plus en plus.

            Soudain, un bruit de feuilles mortes qu'on écrasait retentit derrière moi. Je me retournais vivement et balayais la forêt du regard. J'apercevais une silhouette masculine au loin. Tout mon corps se raidit. Ma rage se faisait balayer par un sentiment de peur. Je secouais mes mains, n'ayant même pas remarqué que mes phalanges saignaient. Mon sang gouttait au sol. La silhouette masculine avançait dans ma direction. Je distinguais des yeux vert émeraude dans la nuit.

La rive du tempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant