La rive du temps

Chapitre 19

       

J'avais pris place sur une des dizaines de tables que possédait cette immense bibliothèque. Eva m'avait apporté une bonne cinquantaine d'ouvrages. Elle s'était absentée pour aller en chercher d'autres qui se situaient au fin fond de la réserve. Ceux qu'elle avait déposés sur la table rassemblaient plusieurs décennies de renseignements juteux. J'avais commencé par éliminer les arbres généalogiques qui dataient de plus de 100 ans. J'étais certaine qu'ils ne me serviraient strictement à rien. En procédant comme ceci, j'avais réussi à conserver seulement 20 ouvrages qui, selon moi, pourraient m'être utiles.

            Je commençais à examiner l'un des arbres généalogiques d'une famille inconnue lorsque la bibliothécaire fit son apparition, une grosse pile d'ouvrages anciens sur les bras. Elle les déposa délicatement sur la table et un nuage de poussière grisâtre s'en échappa. Je refermais lentement mon livre et me mis à trier les différents arbres généalogiques qu'elle m'avait gentiment ramenés. Après mûre réflexion, je n'en conservais qu'un qui avait particulièrement attiré mon attention. La reliure était légèrement plus abîmée que les autres et il y avait des inscriptions écrite à l'encre noire à la fin de l'ouvrage.

            Je rouvris mon livre et parcourrais les pages à la recherche d'information. C'était une riche famille de cœur pur, autrefois chefs d'entreprises de père en fils et maintenant ce sont des SCP. Je scrutais tous les visages, aucun d'entre eux ne ressemblait à Aaron. J'abandonnai donc cet arbre généalogique et passais au suivant. Celui-ci était l'arbre généalogique de la famille Soult. Je le feuilletais un moment. Madame Soult avait une sœur jumelle et Monsieur Soult était fils unique, ils n'avaient aucun enfant. Rien ne me serait utile dans celui-ci. Je le déposais donc sur le précédent et passais au suivant.

            J'étais tombé sur une famille de cœur de pierre, elle était de classe moyenne, des petits commerçants et des banquiers. Leurs visages ne m'étaient nullement familiers. Je remarquais une petite inscription en bas de page : « Famille Arush, décimé ». Cette famille n'était plus, je n'avais aucune raison de chercher plus longtemps. Je posais le livre sur la pile et saisis le suivant.

            C'était un mélange de cœur pur et de cœur de pierre. Toutes les femmes étaient des cœurs purs et les hommes des cœurs de pierre. Aucun visage familier, aucune ressemblance avec Aaron. Je remarquais de nouveau une inscription en bas de page : « Famille inconnue, recherchée ». Je me mis à m'intéresser de plus près à leurs métiers. Des meurtriers, des pilleurs, plusieurs agents doubles, de vrai professionnel du crime. Je me demandais si de tels métiers étaient encore utiles. Je refermais l'ouvrage, le posais sur la pile et en saisis un autre. Je l'ouvris et le feuilletais.

            Une famille de cœur pur, rien de plus banal. Mon œil fut attiré par quelques bouts de pages déchirés. Je feuilletais l'ouvrage jusqu'au bout et remarquais qu'on avait arraché la dernière page. Cela m'intriguait fortement. Pourquoi aurait-on arraché cette page ? Peut-être avait-on cherché à dissimuler quelque chose ? Je décidais de conserver cet ouvrage. Il cachait quelque chose, j'en étais certaine.

            Je volais ce mystérieux ouvrage en le cachant dans ma ceinture en tissu et continuais de fouiller dans les 15 autres ouvrages restants.

*

- Enfin fini, soufflai-je.

            Il était déjà 19 heures 45. Je n'avais rien trouvé de spécial, mis à part cette page déchirée. Il ne me restait plus que le vieil ouvrage de la réserve à feuilleter et j'aurais fait le tour. Je n'avais pas le temps de m'attarder dessus, Manu venait de passer la porte de la bibliothèque. J'agrippais rapidement l'ouvrage et le glissais discrètement avec l'autre dans ma ceinture.