La rive du temps

Chapitre 37

Les ombres se resserrèrent une fois de plus, me broyant la chair et les os. Je me mordais la lèvre pour ne pas hurler, je ne voulais pas lui faire ce plaisir. J'ignorais qui était cet homme, mais il n'avait pas l'air de vouloir faire ami ami avec nous. J'essayais de ne pas céder à la panique, mais son regard me tourmentait, me glaçait le sang. Il approcha son visage du mien, approchant son regard noir et sombre qui me donnait des frissons. Aaron, lui, le dévisageait avec courage cherchant une réponse à tout cela. Il l'interpella une fois, puis deux, puis trois, mais sa quatrième tentative fut remplacé par un cri de douleur qui me brisa le cœur. L'homme enfonçait lentement ses ombres dans la cage thoracique de Aaron, tels des couteaux pénétrant sa chair.

- Arrêtez ! lui ordonnai-je.

Il regarda Aaron, puis il me fixa longuement, son visage se décomposant en une fumée noire à chaque mouvement effectué. Il me rigola au nez tout en dirigeant sa main vers mon visage. Je me mis à paniquer, essayant de l'éviter coûte que coûte. Il m'agrippa fermement le visage de sa main glacé, posant sa paume contre ma bouche. Il toucha lentement mes lèvres de ses doigts inexistants. Apeurée, je détournais le regard de Dagnir. Je devais trouver une solution, je ne voulais pas terminer comme tous ces cadavres qui se situaient au mur. L'homme esquissa un sourire, laissant percevoir un vide infini. Quelle était cette créature ? Ses commissures s'allongèrent, remontant jusqu'aux oreilles, ne laissant s'échapper aucune goutte de sang. On aurait dit que l'on venait de lui ouvrir la bouche au couteau, mais il continuait à sourire, me regardant avec insistance.

J'appelais mes flammes, essayant de me concentrer sur ma puissance et ma force intérieure, mais elles ne venaient pas à moi, comme si elles étaient terrorisées. Je regardais Dagnir, folle de rage, mais il continuait à me sourire, me narguant avec son pouvoir. Il contrait nos attaques, nous empêchant d'utiliser nos pouvoirs respectifs. Il jouait avec ses ombres, mais il ignorait que je possédais moi aussi un pouvoir maléfique. La colère et la haine montaient en moi, je ne voulais plus me contrôler, je souhaitais seulement sortir de son emprise et quitter cet endroit.

La haine se déchaînait en moi, mes yeux s'assombrissaient peu à peu, laissant place à un regard froid et médisant. Je le dévisageais longuement, lui lançant un sourire narquois, puis ma fumée noirâtre se libéra, s'animant d'une colère sans pareil. Elle dévora en une demi-seconde l'ombre qui nous retenait prisonniers, moi et Aaron. L'élu tomba au sol, toussant et crachant de la fumée noire. Je tournais mon regard vers Dagnir qui était pour le peu surpris, ne comprenant sûrement pas ce qu'il venait d'arriver.

- Ça te dit une petite danse, Dagnir ? ricanai-je.

La puissance de Pyryd soigna mes blessures. J'étais enfin libre de mes mouvements, j'allais pouvoir l'anéantir. J'envoyais valser ma fumée sur les murs dans un hurlement de joie. À son contact, les substances visqueuses se brisèrent. Les corps de mes amis tombèrent au sol, suivis d'une avalanche de cadavres et de squelettes, laissant flotter une odeur infecte dans l'air. Aaron les aida à se dégager de la pile de cadavres que ma colère avait engendrés. Ils me rejoignaient tous un par un, me remerciant et dévisageant Dagnir d'un regard froid et haineux. Dahlia s'approcha de moi et me donna une petite tape sur l'épaule, continuant sa marche en direction de cet homme. Sans crainte et sans peur, elle posa sa main sur son épaule, dessinant des symboles dans le ciel. Elle échangea un regard lourd de sens avec Dagnir qui disparut sous nos yeux ébahis.

- Il s'est passé quoi au juste ?! m'exclamai-je.

- Il n'y a pas que notre monde qui possède des protecteurs. Le monde souterrain qui mène au Temple sacré en lui aussi peuplé, mais ils sont maudits. Je devais faire le lien avec lui, mais il ne m'en a pas laissé le temps la première fois. Par peur, il a préféré attaquer, m'expliqua Dahlia.