La rive du temps

Chapitre 7

       

Le ciel s'obscurcissait d'une étrange façon, m'empêchant de distinguer quoi que ce soit. Les esprits tournaient frénétiquement autour de nous alors qu'un violent orage retentissait au-dessus de nos têtes. Quatre ombres se présentaient à nous, voulant attaquer en groupe. Manu n'était plus en mesure de se battre et je ne pouvais les combattre seule. Un esprit était déjà difficile à vaincre, alors j'ignorais totalement comment on allait s'en sortir avec deux. Je voulais intervenir lorsque les ombres s'avançaient vers Manu, mais il me repoussa tendrement d'un geste de la main. Il se releva vaillamment et leur fit face tandis que je me plaçais à ses côtés.

            Mon regard se posa en premier lieu sur l'ombre se situant à ma droite. J'examinais son visage aux traits dur, ses yeux bleus possédant une touche de vert, ses cheveux bruns et sa cicatrice en forme de cœur situé sur sa joue gauche. C'était Papa ! Je voulais courir dans ses bras, mais, je me ressaisis au souvenir déroutant de l'esprit qui m'avait envoyé valser dans les airs. Je refoulais un sanglot, ne laissant transparaître qu'une immense tristesse. Mon regard se posa sur l'autre esprit qui était légèrement plus petit que mon père. Son visage d'ange m'envoûtait, ses cheveux bruns coiffés en arrière m'étaient familiers et ses yeux verts brillaient dans le noir. C'était Khalis.

- Alors, qui dois-tu combattre ? demandai-je à Manu, curieuse.

- Mes parents... et toi ?

- Khalis et mon père... Tu penses qu'un souvenir heureux pourrait fonctionner ? le questionnai-je.

- Sûrement, mais le souvenir devra contenir les deux personnes, m'assura-t-il.

            J'avais un souvenir très net des parents de Manu. Hélène et Ian Flame, deux braves gens qui avaient fièrement combattu à nos côtés. Ils étaient morts peu de temps après leur fille Émilie, torturés et tués par les SCP. Cela avait beaucoup affecté Manu, mais le soutien de notre famille lui avait fait remonter la pente. Je ne pouvais m'empêcher de compatir à sa souffrance, devant moi même affronter mon père.

            Je cherchais activement un souvenir heureux réunissant mon père et Khalis. Leur première rencontre devrait venir à bout de ces saletés. Je m'en souvenais comme si c'était hier, s'étant déroulé deux jours avant mon treizième anniversaire. Khalis avait quinze ans à cette époque. Selon lui, il fuyait une personne cruelle, n'ayant trouvé que notre jardin pour refuge. Il s'était faufilé bruyamment entre nos haies et je l'avais remarqué avec facilité. À sa vue, Papa était devenu livide, le menaçant de le tuer croyant voir un ennemi. J'avais défendu sa cause avec diplomatie, lui expliquant qu'il avait quitté sa famille de son plein gré et qu'il fuyait quelqu'un de malsain. Papa s'était résigné à l'accueillir chez nous.

            Je fermais les yeux, imaginant chaque instant de cet heureux souvenir et me remémorant chaque mot. Lorsque je rouvris les yeux, les esprits s'étaient envolés. Je lançais un regard victorieux à Manu qui faisait disparaître les ombres à son tour. Il s'allongea sur le sol, le regard triste et mélancolique. Je le rejoignis, m'asseyant près de lui afin de lui apporter un peu de réconfort. Je comptais rapidement le nombre de combats effectué et remarquais avec stupéfaction qu'il en manquait un à l'appel.

- Manu ! Lève-toi, on ne les a pas tous vaincus ! m'exclamai-je en le secouant.

- Es-tu sûr de ce que tu dis ?

- Certaine ! Il en manque un, lui affirmai-je sèchement.

            J'aperçus une silhouette noire qui me pétrifia lorsque je reconnus la forme qu'elle avait prise. L'esprit avait pris ma forme. Je reconnaissais ma petite taille, mon visage aux traits dur contrasté avec mon nez fin et ma bouche en cœur dont les commissures se relevaient légèrement. Ma longue et épaisse chevelure châtain soulignait mes yeux noisette parsemés de touches de verts qui brillaient sous les rayons de soleil. La pseudo-moi mit la main dans sa poche et en sortis la pierre du choix dans un sourire narquois :