La rive du temps

Chapitre 8

       

Les grognements intempestifs se rapprochaient, me faisant trembler de peur. Allait-on mourir dévoré ? Je sortis la pierre du choix de ma poche, la tenant fermement entre mes deux mains. Si je créais une barrière invisible, ils ne pourront pas nous attaquer et donc ils seraient dans l'incapacité de nous tuer. Lorsque j'aurai créé cette barrière, on pourra s'enfuir par l'arbre qui se trouvait à côté de Manu. Il me suffira de créer une seconde barrière derrière eux pour les piégés afin de faciliter notre fuite.

            Je déposais la pierre du choix entre mes deux cœurs, la serrant fort et fermant les yeux et lançais la création. La fumée bleu aux reflets mauve jaillit de mes mains et elle se figea dans l'air afin de créer une barrière invisible. La fumée s'estompa dans un courant d'air, emportant avec elle de nombreuses particules. Les loups avançaient toujours dans notre direction tandis qu'une sensation de peur grandissait de plus en plus en moi. J'espérais que mon plan un peu foireux avait fonctionné.

            Brusquement, un des loups se mit à courir la gueule grande ouverte en direction de Manu. Il sauta, voulant l'atteindra au cou, mais il se cogna violemment contre la barrière invisible. J'avais réussi ! Je m'avançais vers Manu qui arborait un visage pâle et terrifié et lui exposais brièvement mon plan. Il l'approuva d'un signe de tête et m'aida à grimper tout en haut de l'arbre à la seule force de son bras gauche. Une fois au sommet, je créais une seconde barrière invisible derrière les bêtes enragées d'avoir été dupées aussi facilement.

            Il ne restait plus que la dernière partie de mon plan afin d'être tiré d'affaire pour de bon. Il fallait sauter par-dessus la deuxième barrière invisible et ne surtout pas tomber entre les deux, sinon c'était la mort assurée. J'allais sauter la première. Je m'accroupis tout au bout d'une branche d'arbre et contemplais le vide, terrorisé à l'idée de rater mon saut et de mourir bêtement. Je restais pétrifié sur place, incapable de bouger. Manu me chuchota quelques paroles encourageantes et je me retournais vers lui, lui souriant peut être pour la dernière fois de ma vie.

            Je me mis debout sur la minuscule branche, tenant en équilibre. Je pris une grande inspiration et sautais aussi loin que je le pouvais. J'atterris au sol dans une roulade qui fit craquer mon épaule gauche de nouveau. Manu ne tarda pas à me rejoindre, sautant à son tour tout en évitant de se fracturer un nouvel os. Soulagée, je pris Manu dans mes bras et il émit un petit cri de douleur. Son poignet avait dû toucher le sol lors de sa réception. Je saisis le sac de Manu et ouvris la trousse de soins à la recherche d'une pommade. Malheureusement, on n'en détenait plus. Je lui administrais tout de même un antidouleur qui avait un effet immédiat. Il me remercia et nous nous allongèrent un instant sur l'herbe afin de digérer cette mésaventure.

- Manu, est-ce qu'on peut partir d'ici ? J'ai peur que la barrière ne tienne pas éternellement,  m'inquiétais-je.

- D'accord, il faut que l'on continue tout droit et normalement on atteindra l'autre rive, m'expliqua-t-il.

            Manu m'aida à me lever puis il agrippa le sac qu'il mit sur son dos. On partit en direction de la forêt, laissant les loups furieux tambouriner contre les parois invisibles. Dorénavant, on pouvait traverser la forêt par son centre, n'étant plus dangereux. Cette partie de la forêt était beaucoup plus dense qu'on ne pouvait le croire, on ne distinguait pas grand-chose, il devait y avoir des milliers d'arbres et de buissons autour de nous. Des tonnes de feuilles mortes jonchaient le sol, faisant un bruit monstrueux à chaque pas que l'on effectuait. La lune nous éclairait le chemin dans cette nuit sombre. Rien ne bougeait dans la forêt. Il n'y avait aucun signe de vie. Manu m'expliqua qu'un point d'eau se trouvait à quelques kilomètres d'ici, sûrement à une heure de marche. J'accélérais donc le pas, assoiffée, fatiguée et pressée que tout cela se termine.