Chapitre 35

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- Excusez-moi, Monsieur ? interpella-t-elle timidement le jeune homme.

Paul se retourna dans sa direction, arborant un air blasé et complètement détaché. Il rencontra le regard de la jeune femme ne serait-ce que le temps d'une seconde pour déceler son anomalie. C'était une CDP et Paul Filicius le savait, mais il ne voulait pas fuir. Pour lui, la discrimination faite à leur égard était fondée sur des préjugés malsains. On gardait cette population à l'écart par simple peur et non pour une menace réelle. Paul se rapprocha lentement de la jeune femme, posant son regard sur ses yeux verrons.

- Oui ? Est-ce que je peux vous aider ? lui demanda-t-il gentiment.

- Est ce que vous savez où je pourrai trouver un abri pour la nuit ? quémanda-t-elle, effrayée.

- Bien sûr, venez avec moi, s'exclama-t-il en lui tendant une main altruiste.

Paul allait entraver les lois qui maintenant la paix. Il en était conscient, mais cela ne comptait pas pour lui. Lorsqu'il avait posé ses yeux sur cette jeune femme, son opinion s'était renforcée, son cœur s'était emballé et tout avait changé. Il ne pouvait plus suivre aveuglement ce système défaillant pour le bon vouloir de la communauté, il ne le souhaitait plus. La jeune femme déposa une main frêle dans la sienne et ils se dirigèrent ensemble vers la maison de Paul. Il ne laisserait pas cette femme dormir seule, dans le froid, sans aucune protection. Elle restait tout de même craintive, observant tout autour d'elle pour voir si quelqu'un ne la suivait pas.

- Est-ce que je pourrai savoir votre nom ? demanda Paul d'un air intéressé.

- Victoire, Victoire Boline. chuchota-t-elle toujours sur ses gardes.

- Enchantez, Victoire. Moi, c'est Paul, Paul Filicius, la renseigna-t-il.

Victoire regarda Paul un long moment avant de hocher la tête d'un air approbateur. Il engagea la conversation sur un sujet moins personnelle et la jeune femme se détendit un peu. Elle laissa même Paul la toucher, ou encore la faire rire. Le chemin qu'ils parcouraient ensemble avait été la plus belle balade que Paul n'avait jamais connue. Victoire buvait ses paroles, écoutant chacune de ses histoires à dormir debout. Le jeune homme la fit entrer dans sa maison, lui faisant visiter chaque recoin, lui faisant confiance. Victoire le remercia mille fois et la conversation divergea sur des thèmes un peu plus personnels. La soirée passa, suivie des jours et des nuits, des semaines et des mois, et ils tombèrent amoureux, se foutant du système et des lois, laissant leurs cœurs parler et la mort les arrêter.

*

- Meyara, on se lève ! On doit bientôt partir ! déclara Manu tout en me secouant.

Je poussais un grognement de mécontentement tandis que Manu se levait du canapé. J'ignorais combien de temps le voyage allait durer et combien de jours de marche nous allions endurer. Je me levais à mon tour péniblement du canapé, prenant le temps d'étirer tous mes membres. Je vérifiais si toutes mes armes étaient correctement rangées puis je m'installais à table pour prendre le petit déjeuner. On frappa à la porte tandis que Manu apportait les plats à tables, il prit soin de les poser avant d'aller ouvrir.

Aaron, Dahlia et le vieux pénétrèrent dans la maison, nous demandant d'accélérer la cadence. J'enfournais plusieurs pancakes dans ma bouche ainsi que d'autres dans du papier afin de les transporter pour le voyage. Manu, quand à lui, prépara plusieurs petits sachets de provisions avec ce qui était censé être notre petit déjeuner. Il prit tout de même le temps de manger un bout, puis on se dirigeait tous en dehors de la maison. Manu scella un sort de protection une fois tout le monde sorti, puis on se retourna vers Iruma, attendant ses instructions.

La rive du tempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant