La rive du temps

Chapitre 34

- Comment c'est passé ta journée ? me demanda Manu en enfournant une bouchée de riz dans sa bouche.

- Il s'est passé un tas de choses incroyable ! J'ai enfin réussi à maîtriser le feu, tu te rends compte ? m'exclamai-je.

- C'est génial, Mey ! Je parie que le maître doit être fier de toi, déclara-t-il.

- Je suppose... Je ne lui ai pas beaucoup parlé, je me suis surtout entraînée avec Aaron. Iruma avait l'air absent, lui expliquai-je.

- Est-ce qu'il vous a donné rendez-vous demain ? me questionna-t-il.

- Oui, pourquoi ? Tu es au courant de ce qu'il souhaite nous annoncer ?

- Je pense avoir une idée de ce qui se trame. Il va sûrement vous emmener à la Rive du Temps, mais je peux me tromper.

Manu mastiqua lentement sa nourriture avant d'enfourner une nouvelle fourchette remplie de riz dans sa bouche. Il réfléchissait, analysant point par point ce que je venais de lui annoncer. On aurait dit que je venais de lâcher une bombe dans son esprit, dispersant ses idées aux quatre coins du globe. Pourtant, il n'y avait pas de mal à ce que Iruma nous convoque, du moins je l'espérais. Je balayai cette idée de mon esprit et me concentrai sur le repas, engageant la conversation sur un autre sujet. Je passais mon repas à observer Manu, à regarder ses lèvres si fines, ses magnifiques yeux gris qui s'illuminaient à chaque parole. Ma contemplation se stoppa une fois le repas terminé. Manu fit la vaisselle tandis que je me reposais dans le jardin. J'étais allongé dans l'herbe gelée, observant les rares étoiles qui arrivaient à traverser les nuages.

L'hiver était là et je ne pouvais m'empêcher de penser à Khalis. Allait-il survivre ? Cette période si mortelle pour les CDP, allait-elle lui être fatale ? Mon cœur balançait entre le désir de le sauver et celui de garder Manu en vie. Je n'arrivais pas à choisir. Me décider, choisir entre deux amis qui m'étaient chers m'était inconcevable. Un vent froid secoua les cerisiers en fleurs, faisant tomber de nombreux pétales au passage. Depuis que nos cœurs étaient liés, je n'arrivais plus à raisonner, ni a penser par moi-même. J'incluais toujours Manu dans mon équation et le résultat restait identique. Je devais le garder en vie.

Je me relevai sur les coudes, prenant une grande inspiration, puis je m'étirais. Je ne devais pas désespérer, je trouverai un moyen de sauver Khalis. L'air se rafraîchit encore un peu plus, je décidais donc de rentrer à l'intérieur. Demain était un jour décisif pour moi, c'était mon dernier entraînement. Depuis ma venue ici, je n'avais cessé de m'entraîner et de me tuer à la tâche pour réussir. J'avais sauvé des vies, des amis, je m'étais améliorée, j'avais mûri. Aujourd'hui, je me sentais plus puissante que je ne l'avais jamais été. Je pouvais dorénavant me mesurer à Aaron, le battre si j'en avais envie. Je pourrai affronter Kira et délivrer Khalis de son étreinte, ou encore Malakay et sauver les âmes perdues qu'il hantait par ses crimes infâmes.

Je montais les escaliers et enfilai rapidement un pyjama, avant de me glisser confortablement dans le lit au côté de Manu. Je fermai les yeux, régulant ma respiration, la tête posée sur son torse. Je pouvais entendre son cœur battre, nos rythmes cardiaques étaient identiques, comme synchroniser. Nous étions reliés et ça jusqu'à la fin. La fatigue me gagna et je me laissais emporter par des rêves remplis d'espoirs.

*

Le réveil avait été des plus pénible. Je n'avais pas beaucoup dormi, l'idée que ce jour soit mon dernier entraînement me rendait triste. Manu m'avait préparé un petit déjeuner protéiné afin de m'aider à tenir le coup pour cette matinée mouvementé. J'avais tout de même eu droit aux traditionnels pancakes pour me remonter le moral. J'enfilais ma tenue d'entraînement avec difficulté, comme si c'était la première fois. Je ne pris pas le temps de me coiffer, je dévalais les escaliers et chaussais mes bottes de tissus. J'agrippais ma pierre et la mise au chaud dans ma poche. Manu m'accompagna jusqu'au temple dans un silence religieux et morose. Le vent soufflait beaucoup aujourd'hui, le ciel n'était pas dégagé, aucun moyen de voir le lever du soleil.