La rive du temps

Chapitre 30

Je me regardais dans le miroir depuis dix bonnes minutes. Ma petite robe noire rehaussait mon teint triste et pâle. Elle suivait tous mes mouvements, épousait chacune de mes formes et rendait l'atmosphère bien triste. J'essayais de prendre sur moi, ne pas pleurer était primordial. J'avais essayé de préparer un discours, mais je n'avais réussir à écrire que quelques bribes insensées. Je l'avais connu seulement quelques jours, mais elle me manquait et le regard heureux de Dahlia dissimulant sa tristesse me détruisait. J'avais peur. Je n'avais jamais assisté à un enterrement en bonne et de la forme. Toutes les personnes que j'avais chéries avaient été emmenées et n'étaient jamais revenues. Je n'avais pas pu leur dire au revoir. Aujourd'hui j'allais assister à l'enterrement de Zelie, et cela me terrorisait. Je poussai un long soupir, retenant le tremblement de mes mains.

Manu frappa à la porte de la chambre. Mon regard se dirigea dans sa direction. Mon corps s'était tendu, j'étais toujours en alerte. L'entraînement n'avait pas réussi à effacer ces marques. Il pénétra dans la pièce en prenant soin de refermer la porte derrière lui. Il portait un magnifique costume noir. Il lui allait si bien, je m'en voulais presque d'apprécier sa tenue dans un moment pareil. Je baissai les yeux, il s'approcha lentement de moi et releva ma tête. Ces yeux d'un gris perçant me sondaient. Il le voyait. Je m'en voulais et j'étais tellement mal à l'idée d'assister à cet enterrement. Il me déposa un tendre baiser sur le front et me serra contre lui. Je lui rendis son étreinte et m'évadais le temps d'une seconde. Sa présence me rassurait, je savais très bien qu'il m'aiderait à surmonter tout ça, mais je m'en sentais pour l'instant incapable.

- Il est l'heure d'y aller, Mey... Est-ce que ça va aller ? me chuchota-t-il à l'oreille.

- Non ça ne va pas, je me sens mal Manu... Tellement mal que j'aurai envie de m'arracher le cœur. J'ai peur d'assister à son enterrement et de voir à quel point tout le monde est triste. Triste par ma faute..., sanglotai-je.

Il ne me répondit pas et se contenta de resserrer son étreinte. Je pleurais dans ses bras, telle une idiote. On aura dit une enfant qui venait de perdre son animal de compagnie. Je la connaissais à peine, comment ai-je pu autant m'attacher à elle ? Je m'étais lié à elle dès son arrivée, peut-être cela été du à sa ressemblance avec Dahlia. Au fond de moi je savais que malgré sa mort elle continuerait à vivre auprès de sa sœur grâce à son esprit, mais ce n'était pas suffisant. Je portai en moi tellement de fardeaux, la mort de nombreuses personnes pesait sur mes épaules et je ne m'en rendais compte que maintenant. Tout le monde me manquait, mais je devrai faire sans. J'avais de nouveaux projets dorénavant.

Je devais essayer d'avancer, de penser à l'avenir. Mais les entraînements étaient devenus un défouloir plutôt qu'un enseignement a proprement parlé. J'aurais voulu le tuer de mes propres mains. Je nourrissais une haine grandissante envers Kira, mais je devais protéger Khalis avant tout. J'étais face à tellement de dilemmes, mais je ne possédais pas assez de temps. Manu me pris délicatement la main et m'emmena vers le lieu tant redouté. Il n'avait pas voulu me révéler l'emplacement de la cérémonie. J'ignorais pourquoi il n'avait pas souhaité me le dire. Sûrement une recommandation de Iruma, comme toujours.

On prit le temps de descendre les escaliers. Mes talons noirs résonnaient dans la pièce ce qui comblait le silence pesant qui venait de s'installer. Manu et moi échangeâmes un regard affectueux et compréhensif avant de franchir la porte qui nous séparait de ma peur. Il faisait froid dehors, comme si tout avait été fait pour me mettre la boule au ventre. Je saisis le bras de Manu afin de me réchauffer. Je voulais rentrer, mon courage m'abandonnait petit à petit. J'étais terrorisé, mais je voulais que personne ne s'en aperçoive. Je ne pouvais pas afficher une mine apeurée dans un moment pareil. Tout le monde serait rassemblé. Zelie était quelqu'un de très apprécié dans le village. Malgré son mauvais caractère et ses penchants pour les missions dangereuses, elle restait une personne très serviable et altruiste envers ceux qu'elle aimait. En mourant, elle avait causé beaucoup de tort autour d'elle. Mon stresse et ma peur augmentait à chaque pas que je faisais.