Chapitre 29

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Le soleil était déjà haut dans le ciel. Je me retrouvais confortablement installé dans le lit de Manu. Mon corps tout entier était recouvert de bandage. J'avais plusieurs bleus douloureux, mais je pouvais me tenir assise. Un léger courant d'air ouvrit la fenêtre en grand et un vent frais vint me caresser le visage. Je respirai à plein poumon et m'assis sur le bord du lit. Je mis lentement debout tout en me tenant contre le mur au cas où. Je ne pouvais pas rester dans cette chambre éternellement. J'étais rétabli, je devais aller voir comment Aaron se portait. J'ouvris l'armoire et en sortis ma tenue d'entraînement. Je pris le temps de m'habiller.

Je sortis de la chambre sans faire de bruit et me dirigeai vers la salle de bain. Je me regardai dans le miroir pour la première fois depuis bien longtemps. Ma lèvre était fendue et j'avais plusieurs petites cicatrices sur les joues. Je n'étais pas très belle à voir. Mes cheveux avaient légèrement repoussé. Je me contentai de me passer un peu d'eau sur le visage et de m'attacher les cheveux grâce aux coiffes-tout de Manu.

Je refermai la porte de la salle de bain derrière moi. En me retournant, je croisai son regard. Ses yeux gris me transperçaient. Il avait l'air tellement soulagé de me voir en vie. J'étais heureuse qu'il aille bien. Il me prit dans ses bras, je lui rendis son étreinte et l'on resta ainsi un moment. Il me donna un baiser sur le front puis me lâcha. Il m'agrippa la main et m'entraîna au rez-de-chaussée. On descendait lentement les escaliers. Plus on s'approchait du salon, plus je sentais une bonne odeur me venir aux narines. Manu me mit un bandeau autour des yeux et me fit descendre la dernière marche de l'escalier avec précaution. Il me guida à travers la maison, me fit asseoir puis il retira mon bandeau. Un magnifique petit déjeuné trônait sur la table. Un vase rempli des roses du jardin dégageait leur odeur de miel si particulière. J'étais aux anges. Manu esquissa un sourire et pris place à table.

Il me tendit le plateau rempli d'une montagne de pancakes. Mon ventre émit un petit gargouillis. Je rougis, ce qui fit rire Manu. Je me servis une grosse portion que je recouvris de tous les assaisonnements qui me passaient sous la main. Le chocolat, le caramel, tout y passait. Je contemplai mon assiette un moment, puis je passai à la dégustation. Je pris le temps de savourer chaque boucher comme si chacune d'entre elles était la dernière. Ce sauvetage m'avait appris pas mal de choses sur la vie. Je devrai savourer le moment présent afin de ne pas regretter plus tard. Je devrai profiter de chaque instant, même la plus petite bouché de nourriture était précieuse, car cela pourrait bien être la dernière.

Je sentais le regard de Manu qui se faisait insistant. Je le regardai avec mon air interrogateur et gêné. Il me souriait avec son air malicieux. Je lui donnai une petite tape sur l'épaule qu'il me rendit. Je lui tendis mes pancakes colorés par les coulis savoureux que j'avais ajoutés moi même. Je reposai mon assiette devant moi et terminai ma bouchée.

- Alors, heureux que je sois toujours en vie ? le taquinai-je.

- Plutôt oui, je suis assez fière de mon travail ! déclara-t-il en prenant le temps de scruter chacune des parties de mon corps.

- La tenue d'entraînement est trompeuse, mon cher.

J'ouvris mon col, laissant transparaître mes nombreux bandages et cicatrices. Le regard amusé de Manu se refroidit quelque peu. Mon corps portait encore les traces de ce tragique accident. Je ne pourrai jamais m'enlever cette journée de la tête. Les visions d'horreur resteront ancrées en moi jusqu'à la fin de ma vie. Je devrai porter ce fardeau comme nous le faisons tous ici. Manu approcha sa main de mon cou. Il passa lentement ses doigts sur mes bandages. Mon corps tressaillit à son contact. Il me caressa tendrement la joue avec la paume de sa main.

La rive du tempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant