La rive du temps

Chapitre 16

       

- C'est moi ! criai-je en poussant les battants de la porte.

- La discrétion, Meyara. Apprends à te contrôler, s'exclama Iruma en entrouvrant un œil.

            Il était déjà assis sur les tapis d'entraînement qui se situait au fond du temple. Maître Saï venait de tuer ma motivation en une seule phrase. Je m'assis devant lui dans un long soupir et le maître esquissa un sourire.

- Même exercice que la dernière fois et cette fois évite de me faire rire, me lança-t-il avec un rire moqueur.

- Vous allez voir ce que vous allez voir ! m'exclamai-je en me levant.

            Iruma se plaça à la même place que la dernière fois, dos à moi confortablement installé dans son fauteuil. Je m'étais placé tout au fond du temple, cette fois il ne m'entendra pas. Il leva son bras, le couteau dans la main droite, puis le baissa et posa l'arme sur l'accoudoir du fauteuil.

Je pris une grande inspiration et marchais comme Dahlia me l'avait enseigné. Mes pieds glissaient adroitement sur le sol. J'avançais lentement, sans faire le moindre bruit, retenant ma respiration au moindre geste de Iruma. J'étais à mi-chemin lorsque je me stoppai net.

            Je devais trouver une autre technique afin de lui dérober son couteau. Ramper ferait beaucoup trop bruit et je risquerais de déplacer un tapis. J'allais devoir la jouer finement. Dans un silence absolu, je m'approchai avec précaution de son fauteuil. Je m'accroupis sans faire un geste brusque et repris lentement ma marche.

            Je me collais dos au fauteuil, ne lançant même pas un regard en arrière, puis je me jetais subitement dans une roulade afin d'atteindre la main droite du maître. Je me relevais d'un bond, ouvris la main en grand et y trouvais qu'une vulgaire fourchette. Je lançai un regard noir à Iruma qui ricanait bêtement.

- Je ne t'ai pas entendu... Je te félicite ! Mais réfléchis un peu avant de dérober un objet. La chose convoitée peut très bien avoir changé de main entre-temps.

- C'est de la triche ! hurlai-je envahis par la colère.

- Non, on appelle ça : la vie réelle. Allez, tu recommences.

- Vous n'avez pas de cœur.

- Tout juste, allez au fond ! me répondit-il dans un rire.

            Énervée et frustrée, je traînais des pieds en me dirigeant vers le fond du temple. C'était de la triche ! S'il n'avait pas échangé le couteau avec une fourchette, j'aurai réussi. La prochaine fois, j'examinerai plus en détail la situation avant de dérober. Je me devais d'en tirer une leçon positive.

            Arrivée au fond du temple, je pris une grande inspiration pour me calmer. Je reproduisais exactement les mêmes gestes. Je m'avançais lentement en direction de maître Saï. J'allais l'avoir ce couteau, coûte que coûte ! Mes pieds glissaient sur les tapis d'entraînement sans les faire bouger. J'étais discrète, muette, comme si je n'avais jamais été là. Je m'accroupis près du fauteuil où était placé Iruma.

            Je jetai un coup d'œil prudent à gauche. La fourchette attendait patiemment sur l'accoudoir. Je retenais mon souffle en regardant sur ma droite, découvrant le couteau. Je répétai ma manœuvre et m'élançais dans une roulade sur sa main droite. Je me relevai fièrement et ouvris ma main en grand. Le couteau y était. J'avais réussi. Un sentiment de satisfaction mêlé à de la fierté m'envahit. J'avais envie de pleurer de joie tellement j'étais heureuse de l'avoir attrapé. Je me retournai vers le maître et lui agitais le couteau sous le nez.