Chapitre 10 : Marilyn

418 55 6
                                    

Tout le monde était en train de discuter avec Ashley comme si elle avait toujours fait partie du groupe. Pourtant, elle n'était rien, et il fallait qu'elle ne reste pas avant que tout ne dégénère.

Jeordie me lançait quelques regards assassins accompagnés de quelques murmures :

— Pourquoi tu restes dans ton coin ? me sermonna-t-il.

Je ne répondis pas à sa remarque et détournai mon regard vers la vitre, me concentrant sur le paysage.

Et si Ashley était une future Hanna ? Elle était sympa, baignait dans le même monde que nous. Mais bizarrement, je voulais m'éloigner d'elle. Elle pouvait très bien partir du jour au lendemain, pensant que c'était trop pour elle.

En fait, j'avais sûrement peur de m'attacher à elle et qu'elle s'en aille. Ils finissaient tous par disparaître un jour ou l'autre. C'est ce qui arrive toujours avec les gens qu'on aime.

Les rires sur la banquette arrière s'amplifièrent. J'aurais bien voulu y prendre part, raconter une bonne blague salace, mais voilà, je savais ce qui pourrait se produire.

Ashley semblait bien s'intégrer, peut-être même un peu trop bien. Voilà le pire. Tout le monde semblait l'apprécier et je paraissais pour le seul qui rechignait à s'amuser.

— Vous n'aurez qu'à décider alors, ce n'est pas mon problème, lança Jeordie furieux.

Je me tournai brièvement vers lui. On aurait presque dit que quelque chose avait dégénéré.

— Je n'arrive pas à croire qu'ils en ont marre des pizzas, murmura-t-il entre ses dents.

J'aurais pu en discuter, lui rappeler le nombre de fois où il avait insisté pour que l'on choisisse sa pizza au détriment des goûts des autres, mais je n'en avais pas l'envie.

Soudainement, l'image de Hanna apparut dans mon esprit. Une femme élégante, une longue chevelure noire aux boucles soignées et son style plus qu'élégant. La plupart pensait qu'elle avait seulement fait partie du spectacle, elle avait participé à bien plus de spectacles que ne le pensait le groupe. Mais tout avait dégénéré bien trop vite. Elle avait perdu ses limites et ce qui faisait son essence pour devenir une pauvre femme sans identité.

Jeordie me prit par l'épaule pour m'annoncer que nous venions d'arriver. Encore un soir comme un autre. Pourtant, je n'avais pas les mêmes appréhensions que d'habitude. Il y avait quelque chose d'assez dérangeant, quelque chose dont je n'arrivais pas à mettre le nom dessus. Je fis rapidement abstraction de ces étranges sentiments pour me concentrer sur notre concert.

Nous descendîmes de la voiture. Ashley restait assez proche de Chris. Ils semblaient être devenus immédiatement complices, comme les meilleurs amis du monde. Peut-être que Jeordie avait bien fait de l'inquiéter à mon sujet. C'était peut-être mieux ainsi.

Jeordie s'approcha de moi, inquiet.

— Ça va ? s'enquit-il dans un murmure.

— Oui, tout va bien, prétendis-je d'un ton qui se voulait neutre. On doit se concentrer sur autre chose pour ce soir.

Il ne fit aucune autre remarque, comme s'il s'en fichait. À moins qu'il n'ose pas en parler. Il avait dû comprendre ce qui se passait. Il n'était pas aussi con qu'il pouvait le montrer.

Nous finîmes tous par entrer dans le bar, chacun s'occupant d'installer le matériel tandis qu'Ashley et Chris discutaient toujours autant. Ils avaient l'air d'avoir oublié qu'ils avaient des tâches à faire avant de pouvoir se détendre.

Pendant que je les observais, Jeordie revint vers moi, toujours avec la même expression.

— Elle te plait vraiment ? demanda-t-il curieux.

— Non.

— Je tiens quand même à m'excuser, ajouta-t-il. Je n'aurais pas dû lui en parler. Je n'avais pas à l'effrayer.

— Tu n'as pas à t'excuser, c'est pour le mieux, rétorquai-je indifférent.

Sans même lui laisser le temps de répliquer, je m'éloignai de lui pour continuer la préparation de la scène. On n'avait autre chose à se préoccuper pour ce soir. Ashley était le dernier de mes soucies, du moins, c'était ce que j'espérais.

Tout en installant le matériel, mes yeux étaient toujours scotchés vers Ashley et Chris. Alors que je m'attendais à les voir rire, ils étaient plutôt sérieux. Chacun le regard plongé dans celui de l'autre comme si leur sujet de discussion était assez grave.

Puis je détournai mon regard. J'avais mieux à faire que de songer à propos de tout ça...


Villains With The Scabbed WingsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant