Chapitre 20 : Chris

322 36 2
                                    

Dès que le regard d'Ashley croisa celui de Marilyn, celle-ci se refroidit et son souffle se coupa un bref instant. Lui aussi avait un étrange regard. Visiblement, il s'était bel et bien passé quelque chose entre eux... Quelque chose de plutôt déplaisant si je puis dire.

Ashley ne bougeait toujours pas. Immobile comme une tombe. Je pris alors les devants et quittai la voiture, rejoignant Marilyn d'un pas assuré.

— Hey ! Qu'est-ce que tu fais là ? lui demandai-je, enjoué.

— Je suis venu voir Ashley, répliqua-t-il d'un air assez froid.

La concernée se rapprocha de nous, les bras croisés et le regard vagabondant entre le sol et moi.

— Je suis allée faire des courses avec Chris, annonça-t-elle timidement. Est-ce qu'il y a quelque chose de grave ?

— Eh bien... Il y a une petite compétition de groupes locaux dans un bar de la ville... Mais je doute qu'on soit prêt pour samedi.

— On peut s'entraîner avant, proposai-je. On va forcément trouver un créneau qui arrange tout le monde.

— Andy a trop de travail à son garage me semble-t-il, lâcha Marilyn presque perdu. Et sinon, vous comptiez faire quelque chose ?

— On allait juste traîner chez moi, répondit Ashley.

Marilyn laissa échapper un petit "ah" avant de trouver un prétexte pour s'éclipser. Aussitôt, Ashley se tourna vers moi, assez abasourdie, comme si elle ne comprenait pas la situation. Puis elle reprit rapidement le dessus en s'emparant de ses clés et ouvrit la porte. Elle m'invita alors amicalement à entrer.

— Tu veux vraiment que je traîne chez toi ? Je pensais que tu disais ça pour–

— Entre et ne discute pas, m'interrompit-elle, un sourire aux lèvres.

Je n'ajoutai rien à ses propos et m'exécutai quelque peu déstabilisé.

— Tu sais pourquoi Marilyn m'a lancé ce regard ? m'interrogea-t-elle d'une voix tremblante.

Elle commença à déballer ses affaires sur la table du salon, ou du moins ce qui ressemblait à un salon étant donné sa petite taille et sa forte juxtaposition à la cuisine.

— J'ai quelques doutes en fait...

Elle s'arrêta dans ses gestes et se tourna vers moi, tout ouïe. Cependant, je restai muet un long instant. Qu'est-ce qu'il m'avait pris de dire ça ? Ce n'était que des hypothèses et de petites constatations... De là à en faire toute une théorie, il y avait un grand pas. J'aurais vraiment dû me taire sur ce coup-là.

— Mais dis-moi ! Ne fais pas ton muet ! s'écria-t-elle, impatiente.

Je me saisis d'une canette de bière et m'installai sur le modeste canapé sous son regard vitreux. Elle fit de même et me rejoignais, attendant ma réponse.

— Tu peux tout me dire. Ce n'est pas grave si c'est quelque chose de compliqué. Je peux comprendre.

— Ce n'est pas compliqué en soi, rétorquai-je.

Je passai brièvement ma main dans les cheveux puis la posai sur ma nuque. Je n'avais vraiment aucune idée de comment aborder ça. Mais bon, quand il fallait y aller...

— Je pense que... Marilyn est très intéressé par toi, avouai-je suivi d'un long soupir.

Elle me fixa, les yeux grands ouverts, sans dire le moindre mot. Visiblement, elle ne s'y attendait vraiment pas.

— Mais... Mais d'où tu sors ça ? s'étonna-t-elle.

— C'est évident en voyant sa manière de se comporter, mais il est un peu hésitant par rapport à...

— Hanna ? Alors il s'est vraiment passé quelque chose entre lui et elle ?

— Je n'en sais rien. Mais cette tension entre toi et lui, elle existait aussi avec Hanna. Jeordie a tenté de la draguer comme il faut toujours avec toutes les filles mais comme d'habitude ça n'a abouti à rien du tout.

Elle détourna brièvement son regard et but une gorgée de sa canette, pensive.

— Tu n'aurais pas dû me le dire ! Maintenant qu'est-ce que je fais moi ? demanda-t-elle presque désespérément.

— Tu ressens quelque chose pour lui ? l'interrogeai-je en espérant l'aider.

— C'est... C'est un ami. Je n'ai jamais songé à l'éventualité de sortir avec lui...

— Après, tu n'es bien évidemment pas obligée de sortir avec lui. C'est à toi de voir.

— Je ne voudrais pas gâcher notre amitié... Et je ne suis pas sûre de ressentir quelque chose pour lui. Je ne sais vraiment pas quoi faire !

— Ne te tracasse pas pour ça, la rassurai-je. S'il se passe quelque chose, il se passera quelque chose. Sinon, ce n'est pas grave. Franchement, tu ne devrais pas autant te torturer l'esprit à ce sujet. Ce sont des choses simples...

Ses mains resserrèrent fermement la canette et son regard fixa ses chaussures.

— Ça n'a rien de simple... Et je sais de quoi je parle, m'assura-t-elle un brin ferme.

— C'est comme tu le sens.

Je conclus la conversation en me levant, comprenant qu'elle n'était pas prête à m'en parler maintenant.

— Et sinon, commença-t-elle avec hésitation, Jeordie drague vraiment à ce point-là ?

— Oui, répondis-je en riant. Mais il n'est pas très doué. C'est ça qui est marrant aussi. Il joue son rôle de gigolo jusqu'au bout.

Puis son rire se mêla au mien et retentit immédiatement l'atmosphère.

— Sur ce, je pense que je vais y aller... Et j'espère ne pas trop t'avoir perturbée.

— Ce n'est rien, rétorqua-t-elle aussitôt. Au moins je serai au courant...

— Je ne sais pas si c'est mieux. En tout cas je vais m'entraîner pour le prochain concert... On ne sait jamais.

Nous nous échangeâmes un bref sourire avant de clore ce moment par mon départ et je présageais déjà que les prochains événements seraient mouvementés... très mouvementés même...

Villains With The Scabbed WingsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant