Chapitre 13

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Quel vantard ! Il venait de casser le charme ! Il me fallut moins d'un quart de seconde pour réagir :
- Oh non, je réfléchissais...
Ma réponse ambiguë augmenta sa curiosité malsaine d'un cran, exactement ce que je recherchais...
- Ah oui ? Et tu réfléchissais à quoi ? Demanda-t-il toujours avec ce même dédain qui amplifiait ma terrible envie de lui clouer le bec ;
- Je réfléchissais au fait que ta beauté disparaît à peine tu ouvres la bouche, tu sais, c'est dommage qu'on ne t'ait pas appris l'éducation parce que dans le cas contraire tu pourrais presque arrêter de me dégoûter, je dis bien presque.

Ma réplique eut l'effet escompté : il me dévisagea bouche bée, ne sachant plus quoi dire. Sans pouvoir l'en empêcher, un rire moqueur vibra au travers de ma gorge. Hélas, ce petit son provocateur le réveilla aussitôt et il se rapprocha :
- Je vais te soigner, et si tu ne rougis pas une seule fois pendant tout ce temps, je te croirai...

Oh merde... C'était physiquement impossible ! À peine allait-il m'effleurer que mes pommettes allaient s'embraser et créer un feu de joie et...
- D'accord ! Lâchai-je.
QUOI ? Mais qu'est-ce qui m'avait pris ? J'étais folle ? Les mots avaient coulé de mes lèvres sans que je ne puisse les rattraper... Je me voyais maintenant dans l'obligation de prendre mon mal en patience et de me mordre l'intérieur des joues le plus fort possible pour cacher ma faiblesse.

Il s'approcha de moi lentement – plus lentement que normalement, j'en avais entièrement conscience. Il cherchait clairement à me déstabiliser. Mais il fallait que je sois forte.
VAS-Y AVRI ! MONTRE LUI CE QUE TU AS DANS LE VENTRE À CE SALAUD IMBU DE LUI-MÊME !

Il monta toujours aussi doucement sa main et vint poser le coton frais sur ma joue. Oubliant alors tout notre défi ridicule je gémissais. Le douleur était cuisante.
- Je suis vraiment désolé, murmura mon tortionnaire.
Il posa ses doigts sur ma mâchoire – seul endroit encore indemne apparemment – et caressa délicatement ma peau. C'était une sensation exquise. Je fermai les yeux sous ce contact satiné et profitais discrètement du bien que cela m'apportait.
- Finis le travail, et vite, grommelai-je.

Le beau latino attrapa ma paume de sa main libre et de l'autre, il appliqua le coton sur la plaie. Le souffrance était insoutenable. Je serrai mes doigts très forts autour des siens et gardai les paupières closes. Il continua son travail et je réprimai à grand peine les larmes qui menaçaient de couler à flot. Je sentais que si j'ouvrais les yeux maintenant, cette chambre se transformerait en piscine.

Un feu ravageait mon visage et je subissais cette épreuve d'une manière insupportable. Seulement je savais que c'était indispensable si je ne voulais pas me transformer en un tableau de Picasso.

Alors que mon bourreau continuait ses prétendus soins, mon esprit divagua : la concentration devenait impossible sous cette douleur abominable. Je me mettais à repenser à ce que ce garçon m'avait dit juste avant, à son cousin, son colocataire, à l'examen et surtout à sa dernière phrase, qui se remit à me hanter.
- Jeff ? Soufflai-je, la voix chevrotante à cause de ce traitement insurmontable qu'il me faisait endurer ;
- Oui ? Me demanda-t-il sur un ton concentré.
Je ne pouvais pas voir ses traits mais j'étais persuadée qu'il était très absorbé par ce qu'il faisait.
- Comment je vais pouvoir m'en sortir si tous les profs de cette école sont des psychopathes et qu'ils sont au courant que je les ai découverts ?

Dite à voix haute, cette phrase semblait presque irréelle.
- Je me suis posé la question tout à l'heure et sincèrement, je ne pense qu'ils vont t'attaquer devant tout le monde ou t'enlever, ils seraient tout de suite démasqués par l'école entière. Je pense qu'ils vont attendre que tu sois toute seule. C'est pour ça qu'on va faire en sorte que cela ne se produise pas, m'expliqua-t-il ;
- Mais Jeff, pourquoi ils ne peuvent tout simplement pas me convoquer et me changer de chambre, comme ils l'ont fait avec Peter ?

AVRIL [Édité chez Hachette]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant