Chapitre 18

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Un très mauvais pressentiment entoura mon cœur et je me tournais vers Jeff, apeurée.
- Bah vas-y crétine, tu vas les faire attendre, me rétorqua-t-il mesquinement.

Je venais de recevoir un couteau dans le ventre, il se fichait complètement de mon sort, il avait juste voulu me « sauter ».

J'avais envie de pleurer seulement c'était impossible. Il fallait que j'affronte la secte des professeurs malades mentales et je ne pouvais décemment pas m'effondrer devant eux, devant lui, pour pleurer sur un amour débile. Je rangeai alors mes affaires, sous le regard interrogateur de toute la classe. Je pris mon sac, me levais et fusillais ce Playboy des yeux tout en arpentant la pièce rapidement : il me croyait naïve et peureuse ? J'allais le faire regretter.

Lorsque je sortis de l'endroit aux côtés du jeune adulte, je ne faisais plus attention à lui, gardant la tête haute malgré cette lame fichée dans mon estomac, semblant avoir définitivement détruit une partie de ma dignité.

Le trajet me sembla aussi long que si j'avais dû traverser les USA entiers à pieds. Une horrible anxiété resserrait mon estomac et je sentais que si nous ne nous arrêtions pas très tôt, j'allais rendre mon petit déjeuné sur le sol en linoléum, qui je ne sais pas trop pourquoi, me donnait la nausée à chaque fois que je posais les yeux dessus...

Heureusement pour mon pauvre ventre écœuré, nous arrivâmes finalement devant une porte de bureau que je n'avais jamais vue auparavant. Bon, je n'avais pas à m'inquiéter : cela faisait à peine deux semaines que j'étais arrivée et tous les élèves de l'établissement devait connaître cette pièce. Alors pourquoi avais-je cette horrible impression que j'étais une des seules à y être entrée ? Et si c'était cette salle, la salle d'interrogatoire ? Et si je n'en ressortais jamais ? Et si à l'intérieur, il y avait tout un tas d'ustensiles de tortures qu'un savant fou utiliserais pour trifouiller dans mes intestins ? Et si... ? Non, stop ! Il fallait que je me calme, ces pensées étaient vraiment bêtes et ne m'aideraient en aucun cas à rester zen.

J'inspirais profondément, répétant un texte de jeune écervelée dans ma tête, puis toquais. Après tout, il serait facile pour moi de rentrer dans ce rôle de fillette inintelligente : j'avais juste à me mettre dans la peau de Chloé !

La porte s'ouvrit sur plusieurs professeurs que je n'avais jamais vus. On aurait dit qu'ils avaient fait exprès que je ne puisse pas voir ceux que je connaissais pour qu'il me soit impossible de distinguer l'identité de mon poursuivant.

Le pire dans tout ça, c'était que plus les heures passaient, et plus la voix de mon agresseur devenait floue, abstraite, comme si je ne m'en rappelais plus vraiment... Serais-je encore capable de reconnaître celui qui la possédait, ou avais-je tout oubliée ?

- Entrez Avril et venez vous asseoir, dit une femme d'environ cinquante ans, portant un pull en laine atroce qui semblait fait mains.

Je m'exécutais aussitôt, m'avançant un peu trop vite sous le coup du stresse, me prenant les pieds dans mes lacets et m'étalant de tous mon long devant leurs yeux surpris par une telle agitation.

Je me retrouvais donc la joue contre le sol, les genoux pliés et les fesses levées dans une position ridicule et pathétique. Mme pull-tricoté-mains poussa un petit cri et j'essayais tant bien que mal de me relever sans paraître affectée par cette jolie humiliation que je venais de vivre.

Au moins, maintenant je n'aurais aucun mal à les convaincre que j'étais complètement débile.

Je finis par m'asseoir, rentrant la tête dans les épaules pour cacher la rougeur de honte qui venait de se former à la base de mes pommettes. On attendit que je sois bien installée pour me reparler.

AVRIL [Édité chez Hachette]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant