Chapitre 59

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– Tu es une meurtrière Avril, tu m'as tué et tu vas devoir en tuer bien d'autres encore. Tu es comme moi, tu es même pire que moi puisque tu es consciente de chacun de tes faits et gestes ! Oh Avril ce que tu es horrible ! Tu m'as assassiné, tu as tiré dans mon visage, tu as sauté le pas ! Tu es un monstre autant que moi, en exécutant un homme tu m'as rejoins dans la catégorie des... psychopathes !

J'ouvris mes paupières en aspirant l'air bruyamment, pendant que mes ongles s'enfonçaient dans du tissus. Je baissai les yeux et vis mes doigts, fermement attachés à la couverture qui me recouvrait.

J'étais dans un lit aux draps blancs et autour de moi se dressait un carré de rideaux vert menthe. Je connaissais cet endroit... L'infirmerie. J'étais à l'infirmerie.

Minute... pourquoi est-ce que je me trouvais à l'infirmerie ?

Je me redressai brusquement et dévissai la tête à la recherche d'un quelconque indice quant à ma présence dans ces lieux.

C'est là que je pus apercevoir Jeff, affalé sur une chaise en plastique juste à côté de moi, tenant le bout de mon oreiller entre ses doigts et sa tête reposant sur le dossier de son siège tandis qu'il dormait profondément.

Jeff... Je me souvins de ses yeux tourmentés, de ses bras m'enserrant et... de mon refus catégorique lorsqu'on avait tenté de me séparer de lui. Puis ce fut une succession d'images et de sons qui firent irruption dans mon crâne. Ma professeur de sport, Kelly, le rire dément du prof d'arts plastiques.

Tout ceci arriva en flot discontinu dans ma tête et une migraine naquit entre mes deux yeux. C'était beaucoup d'informations à digérer en très peu de temps ! Je vis une main s'abattre sur ma joue, j'entendis quelqu'un dire que j'étais en danger, je sentis mon pied se bloquer dans le sol sans raison apparente.

Tout ça dans le désordre, de façon encore trop abstraite pour que je puisse y poser un quelconque sens. Les souvenirs ne cessaient d'affluer si bien que j'eus l'envie de fermer de nouveau les yeux et de me rendormir.

Ce que j'allai faire quand... Une phrase, plus dérangeante que les autres refit surface dans mon esprit : « Tu es en danger... » suivi de près par un « ne fais surtout pas confiance à... ».

Et alors que je me rappelais de ces mots douloureux, tout se noya dans une fontaine de sang. Je vis du rouge partout, sur moi, mes vêtements, ma peau, j'en vis aussi en face de moi, autour d'un corps inerte et sans vie. Et c'est avec ce portrait cauchemardesque, cette vision épouvantable, que tout prit sens.

Les bulles qu'avait amassées ma mémoire de manière totalement aléatoire se rassemblèrent puis fusionnèrent les unes aux autres pour ne plus former qu'un, un beau et grand souvenir désastreux.

J'avais tué quelqu'un.

Je sentis boule se former dans ma gorge tandis que je me remémorais l'horreur de la situation et j'eus soudain envie de me laisser aller au désespoir : de m'écrouler sur ce lit et de pleurer, pleurer et pleurer encore jusqu'à pouvoir me noyer dans mes propres larmes.

J'eus envie d'extérioriser ma peine, de la faire connaître par tous, d'oublier les autres et de m'oublier moi-même. Seulement ma conscience – qui faisait apparemment presque toujours son job – n'hésita pas à me rappeler que ce n'était pas comme ça qu'était la vraie vie : certaines personnes agissaient de la sorte mais je n'en faisais pas partie.

Oui, j'avais mal, oui c'était dur, oui j'allais certainement voir le cadavre de ma victime à chaque fois que je fermerai les yeux, mais je ne pouvais pas me laisser abattre pour autant !

J'avais agis d'une façon qui me répugnait, ignoré des valeurs qui fondaient les piliers de ma propre personnalité, sauf que si je laissai ces choses m'anéantir, alors cela n'aurait servit à rien.

AVRIL [Édité chez Hachette]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant