AVRIL [Édité chez Hachette]

Chapitre 4

 Ce soir là, Ellie et moi attendîmes toute la nuit, à guetter la rue. Mon père osa une fois toquer à ma porte, un plateau présentant deux assiettes de spaghettis à la main. On garda la nourriture, mais on ne garda pas l'homme qui fut contraint de redescendre sans demander son reste. Mais cela ne sembla pas le déranger, un sourire flottait sur ses lèvres en nous voyant ainsi discuter normalement comme... avant quoi.

Cependant, cette soirée, et les nombreuses autres qui suivirent ne servirent à rien. Pour être exacte, il s'écoula un mois encore sans que rien ne se produise. Nous avions beau être constamment sur nos gardes, à la recherche du moindre indice, il ne venait jamais... Tout d'abord, je ne me décourageais pas, déjà grâce à l'énergie intarissable de ma meilleure amie, mais aussi grâce aux fêtes de Noël qui m'aidèrent à penser à autre chose.

Comme tous les ans, on passa le réveillon chez les Baussant et je dois avouer que cela me fit bizarre en comprenant que l'année dernière, je m'étais trouvée ici également. J'avais pourtant l'impression que cela faisait des siècles que je ne m'y étais pas rendue. Et c'était avec amertume que j'avais réalisé que, même si j'avais passé beaucoup de temps à Schooltime, je n'étais finalement restée pas plus de six mois... Comme dans le plan d'origine.

Heureusement, le fait de revoir toute cette famille que je considérais mienne me permis de me détendre et de repousser mes idées noires à plus tard. Je reçus plein de cadeaux tous plus géniaux les uns que les autres. Je me doutais bien qu'Ellie avait dit à ses parents que j'étais déprimée en ce moment et qu'il fallait mettre le paquet. Ce qu'ils avaient fait évidemment.

Malheureusement, dès la nouvelle année, la réalité m'était revenue en pleine figure, et je n'avais plus réussi à m'en défaire. Ellie et moi avions augmenté nos heures d'observation, mais rien n'y faisait. Soit j'avais imaginé la présence d'agents, soit ils étaient surdoués dans la discipline « camouflage ». Peu à peu alors, même la bonne humeur de mon amie ne me tint plus en forme et je recommençai à sombrer dans le désespoir.

C'est là qu'Ellie eut une idée : nous étions toutes les deux nées en début d'année, elle fin janvier et moi mi février. Dans un mois et quelques, nous serions toutes deux majeures et nous pourrions partir où bon nous semblait, à condition bien-sûr de trouver l'argent. Aussi, le plan changea : on transposa les heures passées à scruter les fenêtres de ma chambre en heures passées dans un petit café de notre banlieue à concocter des boissons chaudes pour la plupart.

Oui, des boissons chaudes : le mois de janvier était glacial cette année, et pour la première fois depuis longtemps, la température était si basse à Paris que la neige qui était tombée tenait à présent depuis deux semaines. Cela semblait irréel. C'est ce que j'étais en train de me dire en traversant la rue pour rejoindre le Café'Thiers, ouais, le nom était pourri : un sombre jeu de mot entre le nom de la rue où il était placé et le nom commun « cafetière ». Mais bon, mise à part cette devanture stupide, c'était un lieu plutôt agréable.

Il avait ouvert pendant mon absence et l'avoir découvert était une de mes plus plaisantes surprises depuis mon retour. J'arrivai à la porte et entrai. Une petite clochette tinta au dessus de ma tête pour annoncer ma présence et une bouffée d'air chaud m'accueillie. Je soupirai de soulagement et m'empressai de fermer la porte derrière moi pour éviter que cette température si plaisante ne refroidisse.

Autour de moi, les tables étaient bondées. J'allais avoir du boulot jusqu'à pas d'heure ce soir. Et, pas de bol, je ne partageais pas la corvée avec Ellie, ni aujourd'hui, ni demain. Ce serait donc beaucoup moins marrant... Mais bon, le plus important était de me faire de l'argent. Le reste, on s'en fichait !

En prenant une grande inspiration, je me dirigeai vers les vestiaires pour me changer. J'y déposai toutes mes affaires et attrapai un petit tablier blanc et un calepin afin de prendre les commandes.