Le lendemain, après la nuit, le soleil revint éclairer la terre et répandre sa douce chaleur dans les montagnes de la région. La nature s'éveillait, les oiseaux avaient commencé à chanter et les nuages retiraient leurs bras protecteurs des vallées. Sur une partie d'un versant rocheux très abrupt parsemé de petits buissons, trois taches brunes progressaient lentement, avançant sur une mince corniche. C'était Jiko et ses hommes. Le grondement lointain d'un torrent se faisait entendre.
Le petit bonze s'arrêta soudain devant une touffe d'herbes fleuries. Il regarda autour de lui, n'ayant pas la conscience tranquille. Les deux hommes le rejoignirent, aussi méfiants. Puis ils continuèrent leur étrange marche, contre la paroi.
Quelques temps plus tard, ils arrivaient au bout de la corniche. Elle s'était élargie pour former un petit replat à l'extrémité duquel s'élevait un arbre. Un petit abri y avait été hâtivement dressé, coincé entre le tronc de l'arbre et la falaise. Il était fait de branches recouvertes de feuilles, à la façon des cabanes. L'endroit été bien choisi. Il surplombait le vide au dessus de la vallée, et formait ainsi, un très bel observatoire d'où l'on pouvait épier le moindre mouvement, le moindre geste sans se faire démasquer.
Un de deux compagnons de Jiko arriva devant l'entrée de l'abri, et s'effaça pour laisser passer le bonze.
A l'intérieur, un quatrième homme se tenait accroupi devant une ouverture entre les branchages. Il avait, à portée de main un arc et des flèches, et avait l'air d'observer quelque chose au dehors.
«- Maître Jiko, venez voir ! appela t-il à voix basse, une expression vaguement inquiète sur le visage.
- Mmmh... ?! Quoi donc, fit l'intéressé en s'approchant. »
L'homme s'écarta quelque peu pour laisser place à son compagnon. Celui-ci plissa les yeux.
- Le long de la rocaille ! lâcha l'éclaireur dans un murmure.
Le petit homme poussa un grognement d'inquiétude, les yeux ronds. Au bas d'un grand promontoire rocheux, juste en face d'eux dans la vallée, on distinguait clairement une masse de bêtes, progressant au milieu d'un essaim de mouches et autres insectes volants. Cela semblait être des sangliers. De l'endroit ou ils se trouvaient, Jiko et ses hommes pouvaient entendre leurs grognements.
«- Ça par exemple, ils sont des centaines ! constata le bonze.
- Je n'ai jamais vu ces bêtes-là dans nos forêts, fit son compatriote avec une vive inquiétude. Ce sont probablement des génies, venus d'une autre montagne !»
Jiko fit soudainement entendre un nouveau grognement inquiet qui ne présageait rien de bon.
Un énorme sanglier venait d'apparaître sur le haut du promontoire. Il était très grand, les côtes saillantes, avançant lentement, majestueusement, la tête levée. L'animal s'arrêta au bout du roc, dominant de son regard le paysage devant lui. Il surplombait le vide, et il faut bien reconnaître qu'il imposait le respect.
Dans la paroi, à l'intérieur de l'abri, le quatrième homme se dressa et poussa une exclamation de surprise et d'horreur.
«- C'est Okkoto* !!!! Le vieux sanglier !!
- Pas possible !? fit Jiko, incrédule. Le seigneur de l'île du sud dans cette région ??
- Il n'y a pas de doute !! affirma l'éclaireur en secouant la tête, l'haleine courte. On le reconnaît à ses défenses. Et il a conduit toute sa harde jusqu'ici !!!!»
A ce moment précis, comme si il les avait entendu, le gros sanglier dressa les oreilles et tourna soudain la tête dans leur direction. Il plissa les yeux, jusqu'à ce que ces derniers ne deviennent plus que deux fentes grises, qui semblaient lire en eux comme dans un livre ouvert. C'était deux fentes qui semblaient leur transpercer l'âme de part en part, jusqu'aux profondeurs les plus obscures. C'était l'expression du fin limier qui avait vu clair dans leur jeu... Et c'était à peu près comme cela que ça se passait en cet instant précis.
- Nous sommes découverts !!!!!!!!! Retrait ! s'écria le petit bonze, les yeux agrandis de terreur. Filons !!! Vite !
Et avant même d'avoir terminé sa phrase, il était parti. Ses trois compagnons ne se le firent pas dire deux fois, et prirent la fuite eux aussi. En quelques secondes, il ne restait plus personne dans l'abri sur le petit promontoire.
Le dieu sanglier poussa un grognement assourdissant dans leur direction, aussitôt imité par ses semblables. Bientôt, tout le vallon retentissait de leurs voix.
Mais Jiko et ses hommes n'avait pas perdu leur temps. Ils atteignaient déjà le fond de la vallée, dans un gros torrent semé de blocs rocheux. Ils commencèrent à sauter de rocher en rocher dans le cours d'eau, avançant ainsi à grande vitesse.
- Ne lambinez pas !! cria le bonze. Dépêchez-vous, allez !!!!
Et il sauta derrière un bloc.
* voir chapitre 17
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Princesse Mononoke - Le livre
FantasyL'histoire retranscrite en livre du jeune Ashitaka et de la princesse des esprits dans le Japon ancien...