Chapitre 31

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Le prince chuta de plusieurs mètres et rebondit mollement sur le dos de Moro qui était toujours couchée, les yeux fermés. Il tomba ensuite dans l'eau qui bordait la rive dans un plouf retentissant, toujours enveloppé dans les vers, lesquels avaient pris une teinte noirâtre. Semblant avoir perdu connaissance il coula jusqu'au fond et remonta doucement de quelques centimètres, le corps sans mouvements.

Sur la berge, Moro ouvrit lentement les yeux d'un air résigné. Elle n'avait jamais été inconsciente et avait en réalité suivi toute la scène sans bouger.

- ... Dire que je gardais mes dernières forces pour planter mes crocs dans la gorge de cette femme... souffla t-elle en levant la tête avec difficulté.

Un peu plus loin, la dizaine d'hommes du Shishou Ren restante se repliait devant les deux louveteaux enflammés qui profitaient de la faiblesse numérique de leurs adversaires. Sans se soucier de la position critique des humains survivants, tout deux avançaient en comptant bien mettre hors d'état de nuire toute la garnison. Sous les assauts répétés, les humains se dépêchaient de reculer en formation serrée, les défroques et les sabres brandis dérisoirement devant eux pour se protéger. Bien évidemment il en fallait beaucoup plus pour arrêter les loups blancs.

- Les grenades ! cria un chef de groupe avec affolement pendant que devant lui, les hommes était progressivement décimés. Lancez les grenades !

Le premier projectile faillit atterrir sur le nez du premier louveteau qui avait attrapé une peau de sanglier entre ses dents et tirait dessus avec acharnement. Heureusement il ne fallut qu'une demi seconde à l'animal pour prendre le large. D'un puissant bond en arrière, il réussit à se placer hors d'atteinte.

De là où elle était Moro pouvait entendre les explosions et voir les flashs de lumière orangée produits par les grenades. Mais elle n'y prêtait qu'une attention distraite. Devant elle, se tenait Okkoto. Il était debout, couvert des vers rouges sombres, dégoulinant de sang. Ses yeux exorbités et animés de haine la fixait (peut être ne la voyait il pas vraiment d'ailleurs), tandis qu'un sourd grondement émanait de son être tout entier. Émergeant soudain du nuage de fumée qui s'élevait derrière lui, les deux louveteaux apparurent en courant. Ils contournèrent le démon et vinrent se placer de chaque côté de leur mère, haletants. Cette dernière s'était à demi relevée, ses pattes arrière traînant toujours dans l'eau. Tout trois fixèrent hargneusement le monstre qui était devant eux, la louve immobile, ses fils en position de défense. Ils savaient où était San.

- N'approchez pas ! leur ordonna t-elle d'un ton sans appel. Le maléfice vous frapperait vous aussi...

Repoussant, le gigantesque sanglier s'approcha lentement, la terre rougissant instantanément sous ses pas. Tandis que Moro restait immobile, ses deux loups reculèrent peu à peu sans que le monstre ne tourne la tête vers eux. Arrivé juste devant la déesse, celui-ci ouvrit la gueule et lui envoya un énorme beuglement à la figure. Les mâchoires serrées et sans se soucier des fragments de vers qui venaient s'accrocher à sa fourrure, la louve ne détachait pas son regard de son adversaire. Une ombre de pitié et de douleur passa dans ses yeux, remplaçant un court instant la colère et le mépris qu'elle ressentait.

- ... Okkoto, tu ne peux même plus parler ! cracha t-elle.

Pendant ce temps sur la rive en face, deux personnages suivaient toute la scène avec interêt, dissimulés entre les racines de deux énormes arbres. A gauche, adossée contre un tronc mousseux, se tenait Dame Eboshi. Elle serrait fermement son arquebuse dans ses mains, immobile. A droite, Jiko était accroupi, un paravent rouge plié à côté de lui. Derrière eux dans leurs cape de paille, Gonza et les autres arquebusiers attendaient sans proférer un mot.

Princesse Mononoke - Le livreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant